mardi 29 novembre 2016

Cuire en chapeau d'huile

Depuis que je suis entré en cuisine, je ne cesse de m'étonner de toutes les bonnes odeurs dans la pièce. Un physicochimiste sait qu'il s'agit de molécules odorantes, qui sont évaporées, entraînées par la vapeur d'eau. Qu'importe le mécanisme, pour l'instant : il faut surtout considérer que tous les composés odorants qui ne sont plus dans la casserole… ne sont plus dans la casserole : ils sont perdus, ce qui peut contenter le cuisinier, mais ne fait pas l'affaire de ses convives!
Pourquoi ne pas récupérer ces composés ? Il y a plusieurs décennies, j'avais proposé que nous mettions au point des casseroles équipées de systèmes de recondensation, ce qui permettrait, surtout  pour des cuissons très longues, de récupérer de l'eau et ce que l'on pourrait nommer des « huiles essentielles de cuisine », car le procédé s'apparente à la production d'huiles essentielles, souvent faites par entraînement à la vapeur d'eau.
Les fabricants de casserole n'ont héla pas produit les systèmes dont je rêvais, et dont seuls des chimistes bénéficient aujourd'hui  avec leurs équipements de laboratoire. Et les autres ?

Tout n'est pas perdu quand  on sait, d'une part, que la cuisson à base température donne des résultats souvent bien meilleurs que les cuissons turbulentes dans un bouillon mal conduit, et, d'autre part, que les composés odorants sont souvent solubles dans les matières grasses.
Pour simplifier, on peut effectivement classer les composés en deux sortes : ceux qui sont solubles dans l'eau, et ceux qui sont solubles dans ce que l'on nomme l'huile (la matière grasse à l'état fondu, quelle que soit sa nature). Bien sûr, il y en a d'autres, mais, pour ce qui concerne la cuisine, ils sont sans doute minoritaires. Ajoutons que souvent les composés odorants sont hydrophobes, alors que les composés sapides sont hydrophiles.

Soit donc une casserole où un mets cuit : coq au vin, un ragoût, une daube, un braisé, etc. Comment retenir ou récupérer les composés odorants, sachant que les composés sapides iront se dissoudre dans l’eau ? Le couvercle est d'invention ancienne, et il n'est pas toujours inefficace, au moins quand l'ébullition n'est pas tumultueuse. On avait d'ailleurs inventé des couvercles à rebord, apparentés à ceux des braisières, où l'on pouvait déposer de l'eau froide ou un torchon mouillé, afin de recondenser les vapeurs odorantes.
C'est une première solution, mais il y en a au moins une autre, qui consiste à faire un chapeau d'huile : il s'agit cette fois de faire flotter à la surface du liquide, une couche d'huile où les composés odorants iront se dissoudre. On aurait ainsi des bocaux  d'huiles parfumées : l'huile de cuisson du coq au vin, l'huile  de cuisson de la poule au vin jaune... Et ces huiles pourraient ensuite être introduites dans les mets, notamment par émulsion, en fin de cuisson. De la sorte, rien ne se perd, et tout se crée.
On notera que ce type de cuisson s'apparente à la cuisson en émulsion, comme quand on chauffe une matière dans la crème, composée d'eau et de matière grasse. Cette fois, les composés sapides se dissolvent dans l'eau de la crème tandis que les composés odorants se dissolvent dans la phase grasse.
On objecterait que les matières grasses animales ne sont pas bonnes pour la santé ? Ce serait sans compter cette publication fracassante de la rentrée, produite par l'industrie alimentaire américains, qui reconnaît que l'épidémie d'obésité aux États-Unis est sans doute due à une volonté fautive d'éradiquer les graisses saturées,  ce qui a conduit au remplacement de ces dernières par les sucres. Il faut s'attendre à un retour en… grâce  du beurre, de la crème, du lard, au moins pour ce qui concerne la communication alimentaire, car, du côté des vrais Gourmands, on n'a jamais cessé de se priver des bonnes choses.

dimanche 27 novembre 2016

Faut-il cuire les pâtes dans une grande quantité d'eau ?

Faut-il vraiment beaucoup d'eau, quand on cuit les pâtes ? On le dit... mais on dit aussi qu'il faut mettre de l'huile dans la casserole afin qu'elles ne collent pas... ce qui n'est pas vrai : c'est l'huile ou le beurre que l'on met après la cuisson qui évite aux pâtes de coller, et c'est un gâchis que de mettre de la bonne huile dans la casserole, car cette huile reste en surface et est la première à partir à l'évier, la cuisson étant faite.

Donc, revenons à la question : faut-il beaucoup d'eau pour la cuisson ? Nous avons testé cette question lors d'un de nos "séminaires de gastronomie moléculaire, en comparant les mêmes pâtes, cuites avec beaucoup d'eau ou avec peu d'eau (mêmes casseroles, même feu, même quantité de pâtes).
Dans les conditions de nos expériences, il apparaît que les pâtes avec moins d'eau sont un peu plus molles que celles qui sont cuites dans  beaucoup d'eau.  Un premier dégustateur  reconnaît que les pâtes cuites avec peu d'eau cuisent plus  vite. Un autre dégustateur confirme l'impression. Les deux dégustateurs ne voient pas de différence de salé. Un test triangulaire ne montre pas de différence de couleur. Enfin, le test triangulaire de dégustation confirme une différence, mais ne signale pas de collant supérieur.

samedi 26 novembre 2016

On dit que l'ail bleuit quand il est posé sur des tomates que l'on fait sécher au four.

On dit que l'ail bleuit quand il est posé sur des tomates que l'on fait sécher au four. Qui le testera ?

Les tomates séchées sont délicieuses, très simples à préparer : on plonge des tomates dans de l'eau bouillante pendant une dizaine de secondes, on les pèle, on les coupe en deux, on enlève l'eau de végétation, et on les pose sur une plaque de four avec du thym, du romarin, du sel, du sucre et de l'ail coupé en pétales.
Puis on fait sécher doucement, au four, pendant quelques heures : une température de 95  degrés convient, la porte du four restant ouverte  pour que l'humidité soit éliminées.

Un chef m'a dit que l'ail posé sur les tomates bleuissait, mais je n'ai pas pas observé ce bleuissement.
 Il faut donc conclure que la précision culinaire donnée par le chef est fausse, dans sa généralité, et il faudra cherche les conditions du bleuissement, comme je l'ai dit dans un autre billet, où je faisais état du fait que j'ai déjà vu de l'ail bleuir, effectivement.

jeudi 24 novembre 2016

Ce matin, une question technique, à laquelle je donne essentiellement une réponse de principe !



Ce matin, une question technique, à laquelle je donne essentiellement une réponse de principe ! 
 
Voici la question : 
 
Bonjour Monsieur,
Je suis professeur de sciences appliquées au lycée hôtelier de xxxx et je "sèche" sur la question d'un étudiant. Pourquoi fait-il faire attention à la température du lait incorporé dans le thé bouillant afin d'éviter que celui-ci "caille"?
 
Et voici ma réponse : 
 
 
 
Chère Collègue

Bien impossible que vous soyez professeur de "sciences appliquées"... puisqu'il ne peut y avoir de sciences appliquées. Le grand Pasteur disait déjà très justement qu'il y a la science, et les applications de la science : l'arbre n'est pas le fruit ! 
Et  l'expression "science appliquée" est un oxymore, une faute de langue, donc de pensée, parce que si c'est de la science, ce n'est pas "appliqué", et si c'est appliqué, ce n'est pas de la science.
 
Il vaut donc bien mieux parler de technique (tourner des champignons), de technologie (applications de la science), ou  de science (recherche des mécanismes des phénomènes).
Et, donc, je crois que vous êtes professeur de science, ou de technologie, selon ce que vous enseignez. 
Je vous invite à m'aider dans mon combat, qui est en réalité celui de nombreuses personnes qui ont lu et compris nos grands anciens (Lavoisier, Chevreul, Pasteur, etc.) : cessons de parler de ce qui ne peut pas exister !

 
Pour la question du thé, il y a à considérer que le thé contient des composés phénoliques, dont certains sont des tannins, ce qui signifie qu'il y a une liaison notamment avec des protéines (ce que l'on voit quand on met une gorgée d'un vin "tannique" en bouche, et qu'on crache la salive après avoir "mâché" le vin : on observe un précipité dû à ce type de réactions.

Cela dit, il y a aussi le fait que les protéines sont dénaturées à certaines températures "chaudes".

Mais je ne comprends pas bien votre message, enfin, puisque vous écrivez "Pourquoi les protéines coagulent-elles dans un cas (lait chaud) et non dans l'autre ? La matière grasse joue-t-elle un rôle?". L'autre, c'est quoi ?

mercredi 23 novembre 2016

On dit que la sauce mayonnaise faite à la cuiller en bois est plus ferme qu'à la fourchette ou au fouet.

La mayonnaise serait plus ferme à la cuiller en bois ?

On rappelle d'abord que la mayonnaise se fait à partir de jaune d'oeuf, de vinaigre,  de sel, de poivre et d'huile ; pas de moutarde, sans quoi on ferait une rémoulade (voir notamment http://www.agroparistech.fr/Glossaire-des-termes-culinaires-en-chantier-pour-toujours-merci-de-contribuer.html).

Dans le temps, la mayonnaise se faisait à la cuiller en bois, et le grand Marie-Antoine Carême écrit que c'est le frottement répété de la cuiller en bois contre le bord de la terrine qui donne blancheur et fermeté à la sauce. C'est exact, car plus les gouttes d'huile sont petites, plus la mayonnaise est ferme et blanche. Pour autant, la confection de la sauce mayonnaise à la cuiller en bois prend un quart d'heure et le travail est pénible. Aujourd'hui un mixer fait le même résultat en quelques secondes, et sans effort.

mardi 22 novembre 2016

On dit que les confitures se font mieux dans les bassines en cuivre.


On dit que les confitures se font mieux dans les bassines en cuivre, mais est-ce avéré ? Ce  qui est clair, c'est que l'on voit effectivement des ions cuivre des bassines passer dans les confitures : quand on laisse des fruits telles des framboises, avec du sucre, dans une bassine en cuivre, on voit que le cuivre est complètement décapé jusqu'au niveau du liquide. Il faut ajouter aussitôt que le cuivre n'est pas bon pour la santé (sauf en très petites quantités).
Mais le cuivre fait-il de meilleures confitures ? Il faudrait s'interroger sur ce que signifie « meilleur » : est-ce une question de confitures ayant un meilleur goût ? Une meilleure consistance ?

J'ai en tout cas fait l'expérience de cuire des confitures avec ou sans cuivre (avec : les quantités étaient considérables), et j'ai observé une véritable différence : le confitures cuites avec cuivre sont bien plus fermes que les autres, et l’explication théorique est claire : le cuivre est un ion divalent, ce qui signifie qu'il peut attacher à deux molécules de pectines voisine, ce qui renforce la confiture. Les molécules de pectine ? Comme des fils microscopiques, extraits des fruits, ces molécules font l'architecture de ces « gels » que  sont les confitures  (pensons à une sorte échafaudage où seraient l'eau et les composés qui donnent le goût des confitures).
De la sorte, de la confiture dont les pectines sont réunies, pontées par le cuivre, sont effectivement plus fermes que des confitures sans cuivre. Mais reste la question de la toxicité du cuivre !

dimanche 20 novembre 2016

Pourquoi il faut préparer les sorbets au dernier moment, et les confectionner à température aussi basse que possible ?


Quand on met un jus de fruit dans le bac à glaçons d'un réfrigérateur, sa température est lentement réduite à moins de 0 degrés Celsius, et de gros cristaux de glace se forment. On obtient un granité. Pour avoir une consistance plus souple, plus soyeuse, il faut refroidir le plus rapidement possible. C'est pourquoi j'ai proposé il y à très longtemps que l'on utilise de l'azote liquide, dont la température est de – 196 degrés. Cette fois, les cristaux de glace sont très petits, pour des raisons qui s'apparentent à celles que j'ai esquissées dans un billet relatif à la cristallisation du sel, quand on fait bouillir de l'eau  salée.
Cela  étant, obtenir des cristaux très petits n'est pas suffisant, car il existe un phénomène nommé « maturation d'Ostwald », qui conduit hélas à la disparition des petits cristaux et à la formation de gros cristaux. En effet, dans un sorbet, quand de petits cristaux et de gros cristaux coexistent, les molécules d'eau qui sont agrégées en cristaux ne cessent de s'échanger avec le liquide environnant, et elles vont plutôt se placer sur les gros cristaux, de sorte que ces derniers grossissent, de sorte que les petits cristaux disparaissent.
Comment l'éviter ? Une solution consiste à maintenir le sorbet bien au dessous de 0 degrés, mais ce n'est pas suffisant. Une autre solution consiste à ajouter dans le liquide des molécules qui augmenteront la viscosité de l'eau restée liquide, et c'est pour cette raison que l'industrie alimentaire recourt à des « polysaccharides », c'est-à-dire des cousins moléculaires des composés que l'on trouve dans la farine.

On le voit : l'industrie alimentaire doit être particulièrement ingénieuse pour satisfaire des citoyens exigeants, qui veulent trouver à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit des sorbets parfait, en bas de chez eux. On ne peut faire autrement que d'amender les formules sous peine d'obtenir des consistances amoindries par cette maturation d'Ostwald. Je ne dis pas que le citoyen a toujours tort et l'industrie raison ;  je dis seulement  que nous, consommateurs, devons savoir ce que nous demandons et quelles sont les conséquences de nos demandes.
En outre, je rappelle que personne n'est obligé d’acheter les sorbets de l'industrie alimentaire, car nous pouvons facilement produire nous-mêmes sorbets et glaces. Mais à nous alors de faire l'effort d'obtenir des préparations qui soient à la hauteur… et il n'est pas certain que nous y parvenions, car les ingénieurs de l'industrie alimentaire ont des connaissances que beaucoup d'entre nous n'ont pas. Au fond, ce billet me conduit à la morale suivante : cessons de critiquer sans cesse l’industrie alimentaire, car, en réalité, personne ne nous oblige à acheter ses produits. A nos casseroles !

La gastronomie moléculaire est une discipline scientifique, mais qu'est-ce que la science ?

L'enseignement doit s'inspirer de la mythologie alsacienne, qui reconnaît que les héros conduits par Odin doivent sans cesse lutter contre les géants, sous peine d'une dévastation du monde nommée Ragnarok : chaque groupe d'âge est ignorant de ce que les précédents ont appris, de sorte que nous devons les aider à obtenir cette connaissance.
D'où l'idée commune, en pédagogie, selon laquelle la répétition est la base de l'enseignement ?

Pour le mot "science", nous sommes bien d'accord que le mot désignait naguère simplement un savoir (on parlait de la science du cordonnier), et, aujourd'hui, dans l’enseignement supérieur, on confond par ce mot les sciences de la nature, et les sciences de l'humain et de la société. Ici, ce sont les sciences de la nature que j'évoque. Elles sont dites parfois "expérimentales", mais c'est trop réducteur, parce qu'il peut y avoir des théoriciens. Parlons de sciences de la nature.

Que sont ces sciences ? Des activités de culture, et, plus précisément, de recherche de connaissances.
Mais, plus précisément, je propose de caractériser les activités humaines par
- un objectif
- le ou les chemins (methodon, en grec : méthode) qui y mènent (le choix du chemin, c'est la stratégie).
En l'occurrence, l'objectif des sciences de la nature, c'est la recherche des mécanismes des phénomènes. Et le chemin me semble être le suivant :
- identification d'un phénomène (parmi l'immensité de tous les phénomènes qui se présentent à nous à chaque instant)
 - caractérisation quantitative  du phénomène (si possible sur des variables pertinentes)
- recherche de "lois" synthétiques, qui regroupent les données numériques obtenues lors des caractérisations
- recherche de mécanismes par "induction", à partir des lois synthétiques précédentes ; cela constitue une "théorie" (on lira  avec intérêt les textes de Henri Poincaré à ce sujet)
 - recherche de conséquences de la théorie obtenue, en vue de faire un test expérimental de ces conséquences (c'est en vertu de tels tests que les théories scientifiques sont dites "réfutables", et que les théories non réfutables ne méritent sans doute pas d'être nommées "scientifiques")
- tests expérimentaux des conséquences- et ainsi de suite, en repartant sur les caractérisations quantitatives.

 C'est clair et simple, non ? Alors pourquoi cela ne m'a-t-il pas été enseigné, quand j'étais étudiant en sciences ? Et pourquoi continue-t-on de parler  de "carrières scientifiques" pour désigner les métiers de l'ingénieur, qui n'ont de rapport ni avec l'objectif précédent, ni avec la méthode décrite ? Il faut changer rapidement !

samedi 19 novembre 2016

Mes cours en ligne ?

 Il y a beaucoup de choses

- pour le master international FIPDES : https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=FIPDESMOLECULARGASTR
 
- pour le master IPP : https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=PHYSICOCHIMIEPOURLAF

- et plein d'autres sur https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/courses/GM/?id_session=0

"On dit que les navets glacés à blanc sont gorgés de beurre"


Les navets à l'anglaise sont de piètre pièces, dans l'assiette, car, cuisant dans l'eau bouillante, le nave perd dans l'eau ses sucres et ses acides aminés, notamment. Le bouillon se constitue, mais ce qui est donné à l'eau est perdu pour le navet ! Celui-ci se gorge d'eau, salée,  si l'eau a été salée, mais il n'en demeure pas moins qu'il se "dilue".
Médiocre cuisine, punition de gourmands.

Au contraire, le navet glacé -à blanc ou à brun- se dote d'un goût supérieur, son goût s'embellit.
Les navets glacés ? On met les navets dans une petite casserole, avec de l'eau, du beurre et du sucre. Puis on chauffe.
Lors de la cuisson, les phénomènes sont nombreux, mais le premier est la fusion du beurre, la dissolution du sucre, dans l'eau extérieure aux navets. Puis il y a  l'attendrissement du navet, quand les pectines de ses parois végétales se dégradent : le navet, comme les autres végétaux, est fait de petits "sacs" vivants, les "cellules", qui sont jointoyés par des "parois", faites de "piliers" de celluloses, avec des "cables" de pectines qui les relie. Quand on chauffe, les molécules de pectine perdent des fragments, de sorte que le "ciment intercellulaire" se fissure, ce qui amollit le tissu végétal.
Puis, pour un glaçage à  blanc, l'eau étant évaporée, les navets sont enrobés d'un mélange de sucre et de matière grasse, sans doute émulsionnée dans le sirop. Le sirop entre-t-il dans le légume ? Je l'ignore, mais c'est possible. La matière grasse ? Nos expériences montrent que non, ou alors seulement en surface.
Si l'on pousse la cuisson, afin d'aller jusqu'au glaçage à brun, c'est un caramel qui vient napper les navets.

A ces observations, il faut en ajouter une, que j'ai découverte récemment : quand l'eau extérieure aux navets est entièrement évaporée, c'est l'eau du navet qui disparaît. Jusqu'à 40 pour cent de la masse qui part, ainsi, ce qui contribue à la fois à changer davantage la consistance des navets, mais qui concentre aussi son goût.

mercredi 16 novembre 2016

On dit que le jus d'un citron affermit la confiture

Quand on fait une confiture, on met des fruits avec du sucre et un peu d'eau  et l'on cuit. La cuisson extrait des fruits les molécules de pectines, qui sont comme de microscopiques spaghettis dispersés dans la préparation. Puis, lors du refroidissement, les molécules de pectines s'attachent par les bouts, formant un échafaudage où le reste de la préparation est emprisonné. On dit que, alors, il est bon d'ajouter le jus d'un citron, pour affermir la confiture.
Le jus de citron ? Les physico-chimistes savent pourquoi il favorise la réunion des molécules de pectine, et l'on mesure effectivement que les confitures additionnées d'un acide sont plus fermes que les mêmes confitures qui n'ont pas été acidifiées. Le jus de citron, composé principalement d'eau, d'acide citrique et d'acide ascorbique (vitamine C), a bien l'effet qu'on avait énoncé, et il a de surcroît l’intérêt de donner une petite acidité qui évite à la confiture de se vautrer dans le sucré.
(mais on n'oubliera pas que cela n'est vrai que pour certaines confitures, car pour certains fruits, il y a tant d'acidité que cela ne sert à rien d'en ajouter)

dimanche 13 novembre 2016

On dit que l'on ne doit pas cuire les fruits rouges dans des casseroles étamées.

Jadis, on cuisait dans des pots en terre, et ces derniers cassaient fréquemment, ce qui explique que l'on retrouve des monceaux de tessons sur les sites des anciennes cuisines. Puis il y eut les chaudrons en fer, mais ce dernier rouillait, donnant un goût désagréable. Apparut ensuite le cuivre, mais il était coûteux, et le vert-de-gris dont il est parfois recouvert est vénéneux. Sauf pour les bassines à sucre des sirops et caramels,  ou les bassines à reverdir pour la cuisson des légumes verts, le cuivre ne fut plus utilisé à moins d'être recouvert d'une couche d'étain : il y a un siècle environ, on allait fréquemment faire étamer les casseroles afin d'éviter le vert-de-gris vénéneux.
L'étain nuit-il aux fruits rouges, pour en arriver à la question posée en titre de ce billet  ? Si l'on met des fruits rouges dans de l'étain très propre, métal brillant, alors rien ne se passe, mais si l'on met des sels d'étain  sur des fruits rouges, alors on les voit prendre une couleur violette. On comprend assez bien les raisons de ce changement de couleur, mais il indique surtout que l'étain était oxydé, et il n'est pas certain que l'étain oxydé soit très bon pour la santé. On évitera donc le fer qui rouille, le cuivre qui se vert-de-grise, et l'on n'hésitera pas une seconde à utiliser de l'acier inoxydable qui, comme son nom l'indique, et inoxydable.
Finies les oxydations dangereuses, finis les changements de couleurs malencontreux ou intempestifs, finis les mauvais goût. Vive la technologie bien pensée !

samedi 12 novembre 2016

Cristallisation du sel dans une casserole

Quand on chauffe de l'eau salée, très rapidement, l'eau s'évapore et l'on voit apparaître au fond de la casserole une multitude de très petits cristaux. En revanche, quand on chauffe l'eau salée très doucement, alors de gros cristaux se forment. Pourquoi ?

On voudrait une explication simple, rapide… mais ce n'est pas possible, car le monde est ainsi fait que les choses sont parfois compliquées. En l’occurrence, une question aussi simple appelle  de très nombreuses réponses.

La première, simpliste, consiste à dire que les atomes de chlore et de sodium (on devrait dire « les ions », mais je ne veux pas compliquer) qui constituent le sel de table n'ont pas le temps d'aller s'agréger au premier germe cristallin formé, de sorte qu'ils cristallisent sur place. C'est simpliste, car les vitesses des molécules d'eau et des ions sont considérables, à la température de l'eau bouillante, et l'on doit plutôt imaginer l'eau salée comme un fourmillement plutôt qu'un lent ballet. Plus exactement, la vitesse moyenne d’agitation est d'environ 500 mètres par seconde (pensons environ 2000 kilomètres par heure), de sorte que l'on voit que les espèces atomiques ou moléculaires ont largement le temps de traverser la casserole. En revanche, elles n'ont pas la possibilité de se déplacer en ligne droite, puisque l'ensemble est très encombré, de sorte que l'explication donnée n'est pas suffisante.
De toute façon, il y a aussi ce fait que les cristaux croissent à des vitesses différentes, de sorte qu'il y en a de petits et de gros. Les atomes de chlore et de sodium  sont partagés entre la solution et les cristaux, et une plus grande surface d'un gros cristal correspond évidemment  à une possibilité d'agrégation supérieure, ce qui conduit à une croissance préférentielle des gros cristaux.

Mais, là encore, cette seule explication est insuffisante, et il faut considérer bien d'autres phénomènes. J'utilise surtout cette discussion pour interroger l'enseignement de la physico-chimie : devons-nous chercher des systèmes très exotiques pour nos cours, ou devons nous nous contenter de systèmes très simples, à partir desquels nous pouvons montrer que beaucoup de connaissance est nécessaire pour comprendre les phénomènes.

jeudi 3 novembre 2016

Ce matin, une question d'une correspondante :

D'où vous est venu l'idée de la cuisine moléculaire?  

 Pour répondre, je fais l'hypothèse que ma correspondante connaît la différence entre la cuisine moléculaire et la gastronomie moléculaire (si elle ne la connaît pas, voir de nombreux billets et sites ; mais pour faire simple, tout se fonde sur le fait que la "cuisine" produit des mets, et la "gastronomie" n'est pas de la haute cuisine, mais, en bon français, de la connaissance, la gastronomie moléculaire étant une branche de la physico-chimie).

Bref, la cuisine moléculaire, c'est de la cuisine, et, plus spécifiquement, c'est une cuisine techniquement rénovée : au lieu d'utiliser de centenaires ou millénaires casseroles, fouets, etc., on utilise des équipements modernes : azote liquide, siphons, pompes, thermocirculateurs...

Et l'idée m'en est venue, parce que, en 1980, j'avais mon laboratoire dans ma cuisine... puisque je n'avais qu'un studio. J'utilisais les équipements de laboratoire, et je comprenais qu'ils étaient plus adaptés que les systèmes de cuisine... d'où l'idée de transférer les équipements de laboratoire en cuisine.
C'est cela la cuisine moléculaire... qui est devenue un style. 















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)  

mardi 1 novembre 2016

On dit que les haricots verts brunissent quand ils sont cuits dans un liquide acide.

Oui, les acides nuisent à la fraîche couleur des végétaux verts, parce que l'atome de magnésium qui se trouve au centre des molécules de chlorophylle (il y en a quatre sorte, plus leurs dérivés) est délogé par les atomes d’hydrogène apportés par les acides : les molécules absorbent alors différemment la lumière.

Le bicarbonate de sodium, ou d'autres composés basiques  (basique, c'est en quelque sorte le contraire d'acide ; rien  à voir avec l'amertume, par exemple), préservent la couleur en ralentissant le départ de l'atome de magnésium, par neutralisation de l'acidité.

C'est sans doute pour cette raison que l'on utilisait naguère de la lessive de cendres pour la cuisson des légumes verts : les cendres de bois, mises dans un linge et aspergées d'eau faisaient une solution contenant de la potasse, qui est une base puissante. Cuits dans cette lessive de cendres, les végétaux verts restaient bien verts… mais je ne suis pas certain d'aimer beaucoup les saveurs basiques ;-)







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)