dimanche 29 novembre 2015

Une question à propos de crème anglaise

Hier, on m'a interrogé sur la crème anglaise, et j'ai produit un billet du blog sur ce thème : qu'est-ce que la crème anglaise ? 
Aujourd'hui, sur à ce billet, je reçois le message suivant : 
Bonjour,
je viens de lire votre article très intéressant sur la crème anglaise.
Peut-on remplacer la totalité du lait par une purée de fruits?
Je me pose la même question pour une crème pâtissière.
Si oui, devons-nous ajouter, soit:

1/ de la poudre de lait à notre purée en fonction de la quantité de cette dernière de manière à avoir un taux de protéines et matières grasses équivalentes au lait?
2/ un gélifiant comme de la pectine et du jus de citron, (et là, je n’emploie pas le bon terme, veuillez m’en excuser), pour stabiliser notre mélange?
3/ un autre procédé qui ferait que ça fonctionne.
Donc, la question : peut-on remplacer lait par de purée de fruits ? Oui, et même par du jus de fruits : la coagulation de l'oeuf, qui donne de la consistance, se produit quoi qu'il arrive, mais on aura soin d'augmenter un peu la quantité d'oeuf, car le lait apporte des protéines, qui viennent s'ajouter à celles du jaune d'oeuf, alors que les fruits n'en contiennent que peu. 
Et la préparation ne sera pas une crème anglaise, mais une crème de fruits. 
De même, pour une crème pâtissière : la différence tient seulement à l'empesage de l'amidon, qui donne de la consistance à un liquide. 
La matière grasse ? On pourrait même ajouter  de l'huile, si l'on voulait : des gouttes de matière grasse sont toujours des gouttes de matière grasse... pour ce qui est de la consistance. Pour le goût, c'est bien différent, car le beurre contient mille parfums que l'huile n'a pas. 

Un gélifiant comme de la pectine ? Cette dernière prend à froid, mais pas à chaud, de sorte que l'on risque soit une préparation figée (à froid), soit une préparation trop liquide. 

Surtout, tout cela  est bien beau, mais, avant de mettre des rustines, j'aurais dû inviter mon correspondant à répondre à la question (hélas jamais posée, en cuisine) : 

Que veut-on faire ? Pourquoi ?




















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)




samedi 28 novembre 2015

Qu'est-ce que la crème anglaise ?

Les mets classiques connaissent des variations innombrables, mais nous ne sommes pas tous habilités à dire, à décider, ce qu'est un chat, ou un tournevis, ou une équation... Les mots nous dépassent, et même si des ignorants utilisent  parfois les mots dans des acceptions idiosyncratiques, il vaut mieux savoir ce que l'on dit, et recourir au meilleur dictionnaire de la langue française que je connaisse : le Trésor de la langue  française informatisé.

Hélas, ce dernier n'est pas "fortiche" en cuisine, et c'est ainsi que, pour décrire les "bavarois", il se réfère à un dictionnaire professionnel de 1962. C'est avoir la mémoire bien courte, de sorte que je propose plutôt que nous nous référions non pas au Dictionnaire gastronomique, qui est plein d'erreurs que l'éditeur ne veut pas corriger (cela lui coûterait trop d'argent), non pas au Guide culinaire, qui est également très  fautif (en plus de n'être signé que  d'Escoffier, alors qu'il fut écrit par Phileas Gilbert et Emile Fetu, également), mais plutôt à des ouvrages comme celui de Carême (L'art de la cuisine française au XIXe siècle), ou de Menon, ou de La Varenne, ou de L.S.R....

Et, en tout cas, je propose de combattre absolument le Codex alimentarius, qui supporte que l'on fasse de la béarnaise avec de la graisse végétale et des arômes d'échalotes. Luttons contre cette intrusion minable du "commerce", luttons pour que les mots français désignent ce que la France a produit, et non pas une cuisine abatardie  par le lucre. 

Bref, qu'est-ce qu'une crème anglaise ? Là, la cuisine moderne est fautive, parce qu'elle a détourné une préparation classique en conservant un nom qui est maintenant usurpé. Dans le livre de Carême, et d'autres de la même époque, on voit que la crème anglaise est une préparation que l'on obtient avec des jaunes d'oeufs, du sucre, du lait. Il faut  16 jaunes d'oeufs par litre de lait, de sorte que, quand on cuit cette préparation, elle épaissit, par formation de micro-grumeaux de protéines.

Aujourd'hui, on macère de la vanille dans le lait : pourquoi pas... mais c'est un goût particulier. Aujourd'hui, on n'utilise que 8 jaunes par litre de lait... mais la sauce est alors bien différente de la sauce anglaise, et c'est pourquoi je propose de ne pas la nommer "crème anglaise", mais seulement "crème anglaise allégée". Sans quoi, c'est  déloyal, malhonnête ! 

Au fait, que se passe-t-il quand on fait une crème anglaise, ou une crème anglaise allégée ? 

Observons d'abord que le premier geste professionnel de la recette consiste à fouetter des jaunes d'oeuf avec du sucre. Là, le sucre vient se dissoudre dans l'eau des  jaunes (un jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent d'eau), en même temps que la préparation blanchit : le fouet introduit des myriades de bulles d'air.

Puis on ajoute le lait : alors les bulles d'air se dispersent dans le lait et "l'eau sucrée" des jaunes se mêle à l'eau du lait. En effet, le lait, c'est de l'eau, avec des gouttes de graisses dispersées dans l'eau, la teneur en protéines étant forte dans l'eau du lait, et autour des gouttelettes de matière grasse. 
Puis on cuit : alors les protéines en solution dans  l'eau coagulent, formant des grumeaux  qui sont dispersés dans l'eau.

Finalement, l'eau sucrée qui forme la "phase continue" contient, dispersés, des bulles d'air, des micro-grumeaux de protéines, des gouttelettes de matière grasse.


Pourquoi ajouter de la chantilly à de la purée de fruit dans laquelle on a déjà incorporé de la gélatine quand on veut faire un bavarois ?

Pourquoi ajouter de la crème chantilly à de la purée de fruit dans laquelle on a déjà incorporé de la gélatine quand on veut faire un bavarois ? Parce que le bavarois est un gâteau qui se fait à base de crème chantilly ! Sa "définition" est : "des pommes, de la crème chantilly, collé". 

Expliquons plus en détail. La compote de pommes,ce sont des pommes qui ont été cuites, éventuellement avec du  sucre, pour le goût. La préparation reste du type physico-chimique des "suspensions", à savoir que la phase continue qui disperse toutes les matières est un liquide, de sorte que l'ensemble peut s'écouler, au-delà d'un seuil. 
Pour  la gelée de pommes, en revanche, c'est un "gel", à savoir que la phase continue est un solide. Ce solide est un réseau (comme une toile d'araignée dans  toutes les directions), qui résulte de la cuisson des pommes : quand cette cuisson est prolongée, des composés nommés "pectines" sont extraits des pommes, et, au refroidissement, ces composés qui sont comme des fils se lient entre eux pour  faire le réseau. 
Le bavarois, ce n'est ni de la compote, ni de la gelée. C'est une préparation où les pommes cuites sont liées par de la crème  chantilly et de la gelée. La crème chantilly apporte beaucoup, à la fois en tenue et en légèreté, mais  surtout en goût : ah, une bonne crème  chantilly  ! Et la gélatine fait tenir le mélange  de pommes cuites et de crème fouettée... parce que la crème fouettée retomberait si elle n'était pas ainsi "collée". 

Des blancs en neige pourraient-il remplacer la crème chantilly ? Certainement, mais la préparation ne serait alors plus un bavarois, mais une mousse de pommes !

dimanche 15 novembre 2015

Pourquoi les agences d'état sont indispensables

On lit dans Aaron J. Ihde, The Development of Modern Chemistry (Dover, New York, USA, 1984, p 440) :

"Pendant 30 ans, après la publication d'Accum, la seule demande d'une réforme, en Angleterre, fut celle qui fut exprimée dans un tract à sensation publié anonymement en 1830. En 1850, Alphonse Normandy publia un livre qui eut du succès, Handbook of Commercial Analysis, qui recommendait une inspection au microscope des aliments et médicaments. Peu après, Arthul Hill Hassall raporta que, au microscope, on pouvait distinguer le café de la chicorée, du blé grillé, des poussières et des divers adultérants. Il fut chargé par Thomas Wakley, éditeur d'un journal médical indépendant, The Lancet, de diriger une Commission sanitaire analytique pour examiner les autres aliments. Des rapports furent publiés régulièrement. Sur 36 échantillons de café, seuls 3 étaient purs ; de l'alun était présent dans 49 échantillons de pain. Sur 28 échantillons de piment de Cayenne, 4 seulement étaient purs ; 13 contenaient du  minium (oxyde de plomb) et l'un contenait du vermillon (du sulfure de mercure). La quasi totalité des bonbons étaient colorés avec du chromate de plomb, du minium, du vermillon, de l'arsenate de cuivre, de la céruse (carbonate de plomb).

Qui a dit que des agences d'état telle que la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) étaient inutiles ?
Faisons confiance à nos experts, et ne laissons pas le commerce vendre n'importe quoi.








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Faut-il être inquiet pour faire de la science ?

 Voila la déclaration  que me fait un ami …  inquiet, et, évidemment je ne peux m'empêcher de  discuter la chose,  car elle résonne  avec un vieux souvenir : il y a plusieurs années, on m'a déjà  prétendu la même chose pour la,philosophie, ou encore pour l'art.


Voir la suite sur http://www.agroparistech.fr/Faut-il-etre-inquiet-pour-faire-de.html

Faut-il être inquiet pour faire de la science ?

 Voila la déclaration  que me fait un ami …  inquiet, et, évidemment je ne peux m'empêcher de  discuter la chose,  car elle résonne  avec un vieux souvenir : il y a plusieurs années, on m'a déjà  prétendu la même chose pour la,philosophie, ou encore pour l'art.


Voir la suite sur http://www.agroparistech.fr/Faut-il-etre-inquiet-pour-faire-de.html

vendredi 13 novembre 2015

Suis-je exagérément rigoureux quand je réclame que les résultats de mesures soient assortis d'une estimation de l'incertitude avec lesquelles les mesures sont déterminées ?

Suis-je exagérément rigoureux quand je réclame que les résultats de mesures soient assortis d'une estimation de l'incertitude avec lesquelles les mesures sont déterminées ?

Dans un billet précédent,  j'ai considéré la question des résultats de mesure, de l'incertitude avec laquelle ces résultats sont déterminés,  et de la raison pour laquelle on ne peut donner de résultats de mesure qu'assortis d'une estimation de cette incertitude. Ici,  je veux discuter une question différente, à savoir si ma réaction personnelle -de colère- est justifiée quand on me présente des résultats de mesure sans estimation de l'incertitude (je dis les choses en abrégeant un peu les formulations justes, parce que l'énoncé parfait serait encombrant) ?

D'abord les faits : quand un étudiant, un livre, une brochure, un document, un interlocuteur, un article me tendent un résultat de mesure sans l'assortir d'une estimation de l'incertitude, je hurle... et je vois souvent que mes interlocuteurs jugent cette réaction excessive. Je me suis interrogé sur ma réaction : pourquoi se mettre en colère ? Après tout, il n'y a pas mort d'homme...
Considérons un exemple. On me propose une valeur de 46. Quand les règles de bonne pratique scientifique sont utilisées, le chiffre 6 est "significatif", ce qui signifie qu'il porte en lui une estimation de l'incertitude. Toutefois, une personne qui afficherait ce chiffre alors que la valeur n'est connue qu'à 10 près nous tromperait. Autre exemple courant : un appareil de mesure donne une valeur de 78,633324. Si je sais que trois répétitions de la même mesure ne peuvent donner que des valeurs comme 78, 81, 79, alors je vois que l'affichage de toutes les décimales est indu.
Dans les deux cas, quelle est la faute ? C'est soit de l'ignorance, soit de la négligence, soit de la malhonnêteté. L'ignorance est le cas le plus courant, et elle est excusable : nous sommes tous l'ignorant d'un autre, plus savant que nous, et pourvu que nous  cherchions à nous améliorer, rien n'est grave, et mon sursaut n'a pas de raison d'être.
Toutefois, bien souvent, l'ignorance va de pair avec la négligence, et cela me semble bien plus grave. On voit une valeur sur un cadran, et on reporte la valeur sans s'interroger. Ce n'est pas de l'ignorance, mais de la paresse, ou, disais-je, de la négligence, ce qui est une façon de mépriser ses interlocuteurs. Tout comme l'est une copie un peu cochon d'un étudiant. En réalité, quand on analyse bien la chose, il s'agit de dire à son interlocuteur qu'on ne l'aime pas, ou, en tout cas, pas assez  pour faire mieux que le résultat médiocre qu'on lui propose. Là, le sursaut devient légitime.
Enfin, il y a la malhonnêteté, et, pour expliquer ce point, je propos de considérer cette brochure technico-commerciale d'un fabricant d'appareil scientifique, qui donne un exemple de mesure avec des chiffres qui ne sont pas significatifs : c'est trompeur, car l'appareil ne peut pas afficher la précision qui est donnée. Trompeur, malhonnête... De quoi me faire sursauter.
 Bref, je crois que cette analyse me donne raison de sursauter, quand je vois un résultat de mesure sans affichage de l'incertitude avec laquelle cette mesure est connue !

Jamais de mesure sans estimation de l'incertitude.



Dans la catégorie des bonnes pratiques en science, il y a des données élémentaires, et l'une d'entre elles est qu'une mesure doit toujours être assortie d'une estimation de sa qualité.

Pour expliquer la chose, je propose de considérer l'exemple d'une balance de précision, que l'on utilise pour peser un objet, par exemple un principe actif pour la réalisation d'un médicament. Dans un tel cas, on comprend qu'il est hors de question de se tromper sur la mesure, car ces produits sont extraordinairement actifs, de sorte que la vie des patients en dépend.
Nous avons donc à peser correctement ce principe actif, et voilà pourquoi nous utilisons une balance de précision. Évidemment cette balance aura été contrôlée, car il serait dramatique d'utiliser une balance fausse. Contrôlée ? Cela signifie qu'un contrôleur sera venu avec un étalon, et qu'il aura  comparé la masse connue de l'étalon avec la masse affichée par la balance. Cela se pratique en général une fois par an, car ces contrôles sont coûteux. De sorte que, puisque l'intervalle entre deux contrôles est très long et qu'il peut se passer mille choses pendant un an (la foudre qui dérègle la balance, un choc qui la fausse...), on aura intérêt à contrôler soi-même ses balances à intervalles bien plus cours (un  jour, une semaine au maximum), notamment à l'aide d'étalons secondaires, que l'on aura  préparé la façon suivante : on prend un objet inusable, par exemple un bout de métal ou de verre que l'on conserve précieusement  dans un bocal, sur un coton ou sur un papier afin qu'il ne puisse pas s’abîmer,  et, et on le confronte à l'étalon primaire, le jour où le technicien contrôleur vient contrôler les balances. Sur la boîte qui contiendra cet étalon secondaire, on note  la masse déterminée, et chaque matin ou chaque semaine, on sort l'étalon secondaire, que l'on conserve à côté de la balance, et on le pèse, afin de s'assurer que la balance donne une valeur juste.

Soit donc une balance dont on connaît la fiabilité. On peut maintenant peser le principe actif. Je n'indique pas ici les bonnes pratique de la pesée... mais je signale qu'elles existent, et que peser ne se résume pas à simplement peser. Bref, on  place l'objet à peser sur la balance et l'on obtient une valeur. Le problème des balances de précision, c'est qu'elles sont ... des balances de précision, à savoir des instruments extrêmement sensibles à leur environnement. Il y a les courants d'air d'inévitables, il y a le bruit électrique dans  les circuits électroniques de la balance quand il s'agit d'une balance électronique, il y a les vibrations... Bref, il y a mille raisons d'être certain que la valeur donnée par la balance sera inexacte, et cela est une donnée du monde, inévitable. D'ailleurs, la balance affiche un certain nombre de chiffres significatifs, et comme la valeur exacte que l'on cherche n'a aucune raison de tomber exactement sur un des barreaux de l'échelle (en mathématiques, on dirait que la probabilité que cela survienne est nulle),  on comprend que, au mieux, la valeur affichée ne peut pas être connue avec une précision qui soit meilleure  que  l'écart  entre deux indications (graduations) de la balance.
Puisqu'il est inévitable que la valeur mesurée soit imprécise, la question est de savoir quelle est cette imprécision. Imaginons que l'on pèse trois fois le même objet sur la même balance et que l'on obtienne trois fois la même valeur. Alors on pourra considérer que l'écart entre les graduations de la balance est une estimation de l'incertitude que l'on a sur la valeur affichée. Mais avec les balances de précision, il en va généralement autrement, à savoir que trois mesures successives donnent trois valeurs légèrement différentes, auquel cas on calcule un écart type, c'est-à-dire une estimation de la répartition des valeurs que peut donner la balance. Mais cela est une autre histoire qu'il faudra raconter une autre fois.

Revenons donc à l'essence de  la question : quand nous pesons un objet, nous devons donner une valeur et une estimation de la précision avec laquelle on connaît cettte valeur. Cette règle est absolument générale, en sciences  de la nature. Pour toute expérience, pour toute mesure, nous devons afficher un résultat avec une estimation de sa qualité. Car, en réalité, on ne fait que très rarement des mesures pour des mesures, et l'on cherche surtout à comparer le résultat d'une mesure à un résultat d'une autre mesure ou bien à une valeur de référence.
Par exemple,  si l'on mesure la température dans un four, la mesure de la température sera généralement comparée à la valeur voulue de la température, ou à la température de consigne. La question très générale est donc de comparer.
Commençons par le plus simple, c'est-à-dire la comparaison d'un résultat de mesure avec une valeur  fixe. Par exemple, quand on fabrique des yaourt, si l'on affiche  sur le pot une masse de 100 grammes, il est admis que la masse d'un yaourt particulier ne soit pas exactement égale à 100 grammes, mais qu'elle en diffère moins qu'une certaine quantité. Là, la question est simple, puisque l'écart doit être inférieur à la tolérance.  Simple...  en apparence, puisque la valeur mesurée n'est pas exactement connue ! Supposons que l'on ait mesuré 95 grammes avec une incertitude de 5 grammes. La masse exacte du yaourt pourrait être de  100 ou de 90 grammes. Si la tolérance est de 5 gramme, la masse de 100 grammes conviendrait, mais la masse de 90 grammes serait intolérable.
Maintenant, si nous voulons savoir si deux objets ont la même masse, on sera conduit à peser chacun des objets et à obtenir deux  valeurs, deux résultats de mesure assortis chacun d'une incertitude, et voilà pourquoi on  enseigne dans les Grandes Ecoles d'ingénieurs et dans les université les calculs statistiques,  qui permettent d'estimer  si deux mesures sont ou non significativement différentes. Je ne vais pas faire dans un billet de blog la théorie de cette affaire, mais j'espère avoir indiqué correctement pourquoi, finalement, une mesure sans une estimation de l'incertitude sur cette mesure ne vaut  rien. En particulier pour la comparaison de deux mesures, des statistiques nécessitent l'estimation de cette incertitude, laquelle donne une indication de la répartition des mesures que l'on pourrait faire d'un objet.
Dans la vraie vie, dire que  deux  grandeurs sont différentes sous-entend toujours « significativement ». J'invite en conséquence tous les étudiants à se forger une espère de radar intellectuel  qui les conduira à sursauter quand ils verront une valeur sans estimation de l'incertitude avec laquelle cette valeur est connue. Certes, parfois, dans des tables, dans des livres, dans des publications, on verra des données sans incertitudes. Si ces livres sont de bonne qualité, c'est que cette incertitude est exprimée par les chiffres qui sont affichés, et qui doivent donc tous être "significatifs". Un bon enseignement des sciences de la nature commence donc par une discussion de cette question : que sont des chiffres significatifs ? Que sont les règles d'affichage des données ? 
Ces règles ne sont pas absolument intuitives, et elle doivent donc être apprises... et retenues pendant toute la scolarité… et après ! Rien de tout cela n'est difficile, mais cela demande un peu de soin, d'attention, et un entraînement progressif qui conduit à bien internaliser des réflexes,  en vue de bonnes pratiques scientifiques ou technologiques.
Dans la famille « les bonnes pratiques en sciences » je voudrais « les ajustements ».

Supposons que l'on ait obtenu une série de résultats de mesure. Il arrive fréquemment, en sciences de la nature, que l'on cherche à voir comment cette série varie.

Un exemple ? On cherche à connaître la quantité d'eau dans une viande : on met la viande dans une étuve, et l'on pèse à différents temps bien choisis,


La suite sur  : http://www.agroparistech.fr/Dans-la-famille-les-bonnes.html

samedi 7 novembre 2015

Pour comparer, il faut… comparer !


Ce matin je reçois d'étudiants une photographie des blancs d’œufs en neige qui auraient été additionnés d'un peu de vinaigre. Ces étudiants me signalent que le vinaigre fait beaucoup d'effet sur le foisonnement, mais quand je leur demande s'ils ont fait un contrôle, ils s'étonnent de la demande, ne la comprennent pas, même.
Pourtant, n'est-il pas "naturel" de penser que pour voir une amélioration, il faut voir deux états : le blanc d'oeuf battu en neige sans vinaigre et le même blanc battus en neige avec du vinaigre ?
Mon objectif n'est pas, ici, de me plaindre du niveau des étudiants qui ne cesserait de baisser, mais je suis intéressé de comprendre


La suite sur http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/pour-comparer-il-faut-comparer/

mardi 3 novembre 2015

A propos d'une carrière

Une question bien posée, ce matin :


Monsieur THIS, bonjour.
Je me permet de vous envoyé ce mail, en espérant ne pas trop vous déranger.
Je suis un étudiant qui a reçu son diplôme  de xxx il y a un an. Malheureusement je n'ai pas su quoi faire après ce diplôme, et c'est alors que ma passion pour la cuisine est revenu. Ayant conscience que la cuisine ne sera pas ma vocation, je me suis alors tourné vers la gastronomie moléculaire.
Je me suis tout d'abord renseigné sur la gastronomie moléculaire.
J'ai beaucoup apprécié de pourvoir m'instruire directement via les réponses que vous donnez à vos interlocuteurs.
Je souhaite bien évidement continuer mes études dans le domaine de la science, plus précisément dans la chimie. Ne sachant pas quel cursus/formation choisir afin d'intégrer l'INRA par la suite, je viens solliciter votre précieuse aide.
Pourriez-vous me conseiller une éventuelle poursuite d'étude possible, me permettant d'accomplir mon projet professionnel ?
Je ferai toutes les études nécessaire afin de pouvoir effectuer des recherches par la suite, dans la gastronomie moléculaire.
Ma réponse a été circonstanciée, parce que... c'est bien normal d'aider des jeunes qui terminent par une phrase telle que la précédente. Voici  ma réponse : 

Bonjour et merci de votre message.
Si je me suis bien exprimé sur mes sites,  vous avez compris que la gastronomie moléculaire se fait donc à l'université ou dans des équipes de recherche scientifique, ce qui impose master, thèse, post-doc, concours administratifs de chargé de recherche ou de maître de conférence.
Bien sûr, on peut participer à différents niveaux, aussi bien comme ingénieur d'étude que  comme directeur de recherche. En gros, les scientifiques sont ceux qui aiment les équations, le calcul, alors que des ingénieurs d'études feront des expérimentations. Pour les deux carrières, il y a des concours administratifs.
Il y a  aussi des possibilités de faire de l'enseignement, dans des lycées hôteliers, par exemple, et c'est une autre voie, mais  bien sûr, la recherche ne sera pas la même.

Tout cela étant dit, il est sans doute bon de répéter que l'industrie alimentaire a besoin de gens compétents, intelligents, entreprenants, innovants, créatifs, rigoureux... et qu'elle offre des salaires bien supérieurs à ceux de la fonction publique, avec sans doute moins de contraintes administratives. Je ne cesse de le répéter, et je sais  que le travail de recherche et développement dans ces sociétés peut être très proche de celui de nos laboratoires. Là, il est sans doute bon de faire une école d'ingénieur et/ou un master, tel ce Master IPP d'AgroParisTech, ou le Master Food Innovation and Product Design que nous avons créé avec les universités de Lund, Dublin et Naples.

Attention : dans tous les cas, il faut être parmi les meilleurs  : que ce soit pour être retenu en master, comme pour être pris en thèse, ou pour être embauché par l'industrie.
Ne pas se décourager, toutefois : tout cela n'est qu'une question de travail.
Vive l'Etude !