A quoi nos séminaires de gastronomie moléculaire servent-ils ? A mille choses. D'abord, à explorer expérimentalement des idées culinaires qui courent dans les cuisines ou dans les établissements d'enseignement. Ensuite, à montrer que le savoir mérite d'être sans cesse exploré. Aussi, à mettre au jour des phénomènes dont on peut ensuite chercher les mécanismes. A créer de l'enthousiasme pour la technique culinaire. A faire se rencontrer des publics habituellement séparés. A rationaliser la technique culinaire, et à proposer de la penser au lieu de répéter. Et ainsi de suite.
Par exemple, le séminaire qui avait été consacré aux pâtes feuilletées classiques avait testé expérimentalement l'effet du nombre de tours, qui est classiquement de six. Mais examinons la confection d'une telle pâte feuilletée, avant d'arriver à la conclusion, qui doit aider chacun à mieux cuisiner.
Une pâte feuilletée classique s'obtient en faisant un pâton, à partir de farine et d'eau (on peut saler, pour que la pâte le soit). On étale ce pâton en un disque un peu épais. Puis on pose dessus un disque de beurre bien malaxé, plus petit. On replie le disque de pâte sur le disque de beurre, afin d'enfermer ce dernier. Puis, au rouleau, on étend l'ensemble trois plus long que large, et l'on replie en trois. C'est le premier tour. On tourne alors le pâton ainsi replié d'un quart de tour, et on l'allonge à nouveau trois fois plus long que large, et on replie en trois. On met au frais pendant un bon moment. Puis on recommence deux tours. Puis on met au frais, et l'on finit par deux derniers tours, avant d'abaisser et de cuire.
Pour notre expérience, nous avions comparé des pâtes feuilletées à un tour, à deux tours, à trois tours, à quatre tours, à cinq tours, à six tours, à sept tours. Toutes avaient été cuites ensemble, et goûtées. Il était apparu que les feuilletages à peu de tours étaient croquants, avec des feuilles dures, parce qu'un peu épaisses. Pour cinq, six ou sept tours, il y avait un bon croustillant, mais, pour sept tours, les feuilles étaient si minces qu'elles étaient rapidement humidifiées par la salive, de sorte que le croustillant ne se percevait qu'au début de la mastication, trop fugacement.
Autrement dit, nous avions une vraie raison, expérimentale, de procéder à six tours. Et voilà pourquoi, il y a quelques instants, quand j'ai fait une pâte feuilletée et que, pressé, j'ai été tenté de ne faire que quatre tours, je me suis souvenu du résultat qui serait obtenu... et que j'ai fait les six tours réglementaires. Il ne s'agissait plus de suivre aveuglément une recette, mais, de choisir ma pratique d'après une compréhension que j'avais obtenue par des études expérimentales.
Et c'est ainsi que la gastronomie moléculaire est belle, n'est-ce pas ?
dimanche 16 avril 2017
A quoi servent nos séminaires de gastronomie moléculaire ? Questions de feuilletages
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