Qu’est-ce
qui prime, les phases ou les dimensions ?
Dans vos documents, j’ai noté que parfois vous décrivez les objets :
- avec les phases et opérateurs sans les dimensions
- ou avec les dimensions d’abord, puis la phase caractérisée entre parenthèses
- ou avec seulement les dimensions
Ma
question est : qu’est-ce qui prime ?
Ce
qui prime ? Tout dépend de ce que l'on veut faire et peut-être
aussi des systèmes considérés. On peut penser microstructure (les
dimensions), ou bien nature de l'objet (les phases), ou encore le
tableau complet.
C'est
un choix, guidé par les questions particulières que l'on est en
train d'étudier.
Par
exemple, pour la description d'une émulsion, la formule O/W (de
l'huile dispersée aléatoirement dans l'eau) est une bonne approche.
On peut deviner que si la phase aqueuse W est la phase continue,
alors l'huile dispersée aléatoirement est nécessairement de
dimension inférieure. Bien sûr, on pourrait la désigner par D0(O),
mais c'est presque évident, et, en tout cas, cela apparaît
clairement.
En
revanche, pour décrire des tissus végétaux ou animaux, puisqu'il
s'agit de « gels » dans les deux cas, il vaut mieux
introduire la dimension, parce que c'est bien cela qui caractérise
d'abord la microstructure (fibrée) d'une viande ou d'un tissu
végétal. Dans le premier cas, on a les fibres D1 dispersées
aléatoirement dans la viande, d'où la formule D1/D3. Dans le second
cas, ce sont des objects de dimensions 0 (D0) dispersés dans le
tissus D3, d'où la formule D0/D3. Ensuite, pour ces deux cas, on
peut spécifier que le tissu est solide : D3(S). Puis arriver à
la description de l'intérieur des fibres musculaires : soit on
considère que c'est une solution (W), soit on veut décrire quelque
chose de plus compliqué, en considérant, par exemple, que le
cytosol est un gel. Dans
un cas que j'étudie, je pense choisir une description qui d’abord
ne place pas les dimensions, pour faire comprendre le formalisme de
base. Puis dire qu’on peut ajouter des dimensions. Est-ce
correct ?
Oui,
un bon exemple, c'est l'émulsion : O/W. Ici, seulement les
phases, pas les dimensions.
Et
l'on introduit les dimensions ensuite.
Historiquement, je n'avais pas compris que les dimensions étaient essentielles, et c'est en les introduisant que l'on peut distinguer des systèmes nouveaux : au lieu d'avoir de façon vague O/W, on peut avoir D1(O)/D3(W), ou D0(O)/D3(W), ou D2(O)/D3(W).
Historiquement, je n'avais pas compris que les dimensions étaient essentielles, et c'est en les introduisant que l'on peut distinguer des systèmes nouveaux : au lieu d'avoir de façon vague O/W, on peut avoir D1(O)/D3(W), ou D0(O)/D3(W), ou D2(O)/D3(W).
Cet
exemple particulier montre bien pourquoi les dimensions s'imposent
naturellement !
Ce
qui me fait douter est que parfois, vous n’utilisez que les
dimensions : pourquoi ? Par ex. dans le cas du gel
d’échalote dans votre présentation sur le formalisme, ou des
conglomèles (D0/D3). Il est vrai que vous reprenez des
documents de différentes époques.
Aussi, si l’introduction des dimensions a permis de mieux caractériser les objets et de les distinguer les uns des autres (même si ce n’est pas toujours utilisé), est-ce qu’on peut penser qu’en ajoutant les dimensions au classement des sauces on aurait d’avantage que 23 catégories ?
Aussi, si l’introduction des dimensions a permis de mieux caractériser les objets et de les distinguer les uns des autres (même si ce n’est pas toujours utilisé), est-ce qu’on peut penser qu’en ajoutant les dimensions au classement des sauces on aurait d’avantage que 23 catégories ?
Pour
les sauces, oui, on peut penser que l'ajout des dimensions augmentera
le nombre de types physico-chimiques… mais ce n'est pas certain,
car, dans les sauces, il y a peu d'anisotropie. Quand on a O/W, c'est
toujours un D0(O), et toujours un D3(W).
Si nous retenons une première utilisation sans les dimensions, pourriez-vous me dire si les formules de ces éléments sans les dimensions s’écrivent bien de la façon suivante ?
mayonnaise
: D0(O)/D3(W) = O/W
blancs
en neige : D0(G)/D3(W) = G/W
crème anglaise : [D0(O)+D0(S)]/D3(W) = (O+S)/W
échalote : D0(S1xW)/D3(S2) = (SxW)/S
gel de gélatine : D3(S)xD3(W) = SxW
viande : D1(W)/D3(S) = W /S
crème anglaise : [D0(O)+D0(S)]/D3(W) = (O+S)/W
échalote : D0(S1xW)/D3(S2) = (SxW)/S
gel de gélatine : D3(S)xD3(W) = SxW
viande : D1(W)/D3(S) = W /S
C'est
presque cela.
Pour
la mayonnaise, nous en avons déjà parlé plus haut.
Pour
des blancs en neige, il y a des bulles de gaz dispersées dans la
phase liquide, d'où G/W. L'ajout des dimensions donne bien
D0(G)/D3(W).
Pour
la crème anglaise, il y a des agrégats protéines (D0(S)) dispersés
dans la phase aqueuse, avec de la matière grasse émulsionnée, d'où
les formules proposées. A noter, toutefois, que, comme nous l'avions
montré lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, certaines
recettes de crème anglaise qui indiquent de « faire le ruban »
(fouetter les jaunes d'oeufs avec le sucre, jusqu'à blanchiment)
conduisent à introduire des bulles de gaz qui sont conservées après
la cuisson, de sorte que l'on aurait alors (G+O+S)/W, et, avec les
dimensions (D0(G)+D0(O)+D0(S))/D3(W).
Pour
des échalotes, si l'on considère du tissu parenchymateux, on a
D0(W)/D3(S), en supposant que l'intérieur des cellules est liquide.
Si l'on préfère considérer que le cytosol est un gel, alors on
écrit (D0(W)xD0(S1))/D3(S2), ou, avec seulement les phases
(S1xW)/S2. Toutefois, on peut ajouter les tissus conducteurs (xylème,
phloème), qui sont abondants dans certaines parties, et l'on aurait
alors : (D0(W1)xD0(S1)+D1(W2))/D3(S2)
Pour
un gel de gélatine, c'est simple : SxW, ou, avec les
dimensions, D3(S)xD3(W).
Pour
la viande, votre formule est juste.
Précisions sur les opérateurs
Je m’aperçois que j’ai encore du mal à complètement saisir les différents opérateurs, et à les expliquer en tout cas.
@ :
inclus, je comprends bien
σ :
superposé, ça me semble simple aussi (bien que du coup quelque
chose superposé sur autre chose, je ne vois pas en quoi c’est un
système dispersé ; il me semble donc que celui-ci entre en jeu
seulement pour décrire un système complexe)
Oui,
initialement, le DSF a été mis au point pour la description des
systèmes dispersés, mais ultérieurement, notamment avec la seconde
composante, qui avait été nommée NPOS (organisation non périodique
de l'espace), il s'agissait de décrire toute construction. Et c'est
pourquoi, notamment, le formalisme s'utilise à toute échelle.
D'autre
part, imaginez que vous ayez non pas S1σS2σS3σS4σS5σS6... :
cette fois, vous avez une dispersion !
/ :
dispersé ; là je commence à douter, car je pensais que la
dispersion c’était par ex. l’huile dans l’eau dans le cas de
la mayonnaise, mais c’est aussi l’eau dans le solide dans le cas
de la viande, ou un gel dans un solide pour l’échalote… Donc
comment expliquer la dispersion ?
Pourquoi l’échalote s’écrit avec un gel dispersé dans un solide ?
Pourquoi l’échalote s’écrit avec un gel dispersé dans un solide ?
L'opération
désigne la dispersion aléatoire.
C'est
bien le cas de la mayonnaise, où des gouttes d'huile sont dispersées
au hasard dans la phase continue, qui est une solution aqueuse.
Mais
il est vrai que si vous faites un schéma d'une mousse, d'une
émulsion, d'une suspensions, par exemple, vous aurez toujours la
même chose : une dispersion (au sens habituel du terme) dans
une phase continue.
Pour
la viande, il y a des structures liquides dispersées dans un solide
tridimensionnel. Pour l'échalote, des structures liquides dans un
solide. Donc l'opérateur / s'impose.
+ :
mélange, coexistence de deux phases ; là encore, comment
distingue-t-on la dispersion du mélange ? Est-ce qu’il y a
mélange simplement quand deux phases liquides se rencontrent et donc
ne forment plus qu’un seul liquide, ou bien deux huiles de la
même façon ? Ou bien peut-il y avoir mélange de huile dans
eau ou encore mélange de gaz dans l’huile par ex ? Comment ça
se distingue de la dispersion ?
Une
dispersion, c'est une dispersion : je jette du riz sur une
table, et il se disperse sur la table.
Si
j'ai du riz et des petits pois, il faut que j'indique qu'il y a deux
objets : c'est pour cette raison que s'introduit l'opérateur +.
x
: interconnexion de deux phases. Là je crois qu’il s’agit des
gels uniquement ?
Non,
cela peut être n'importe quelle phase. Il suffit de considérer que
ces phases s’interpénètrent de façon continue.
Pensez
par exemple à D3(G)xD3(S) : un solide poreux dont les pores
sont plein d'air.
Pour
les descriptions macroscopiques (les plats)
Dans le document que vous m’avez envoyé en réponse à ma question, le plat décrit l’est avec un autre formalisme, dérivé du DSF, mais où les phases sont S comme sauce, V comme herbes, C comme masse blanc crème, J comme masse jaune…
Je crois que ça raconte encore autre chose, ça va embrouiller les gens.
Mon idée serait plutôt de décrire des plats avec le même formalisme.
C’est ce que vous avez fait pour le Faraday : ((G+S1+O) /W) / S2
Dans le document que vous m’avez envoyé en réponse à ma question, le plat décrit l’est avec un autre formalisme, dérivé du DSF, mais où les phases sont S comme sauce, V comme herbes, C comme masse blanc crème, J comme masse jaune…
Je crois que ça raconte encore autre chose, ça va embrouiller les gens.
Mon idée serait plutôt de décrire des plats avec le même formalisme.
C’est ce que vous avez fait pour le Faraday : ((G+S1+O) /W) / S2
Dans
le faraday, ce n'est pas une description macroscopique, mais
microscopique !
On
pourrait le faire pour l’œuf dur ?
Oui,
pour un oeuf dur, au niveau macroscopique, c'est S1@S2.
Mais
ensuite plus dans le détail, si on considère le jaune et le blanc,
il
y aurait sans doute [(O/W1)XS1]@(W2xS2).
Puis si on ajoute de la mayonnaise dessus, ce serait alors (O/W)σ
((WxS)@(WxS)).
Ordres
de grandeur
Sur
la pomme de terre : J’ai du mal à comprendre vos explications car
je ne connais pas le tissu parenchymateux ni le cytosol.
Une
pomme de terre, c'est fait de parties où des sacs sont empilés (les
cellules), et des « canaux » (xylème, phloème). Le
cytosol, c'est la matière à l'intérieur des cellules
(parenchymateuses, donc ; puisque les canaux, eux, contiennent
la sève, qui est un liquide différent)
Imaginons que je montre une pomme de terre : c’est un solide S.
Mais nous considérons maintenant le tissu parenchymateux, avec le cytosol assimilé à un liquide donc, on aurait D0(W)/D3(S) à condition de négliger les canaux.
Imaginons que je montre une pomme de terre : c’est un solide S.
Mais nous considérons maintenant le tissu parenchymateux, avec le cytosol assimilé à un liquide donc, on aurait D0(W)/D3(S) à condition de négliger les canaux.
Cela
étant, il faut considérer les grains d'amidon qui sont évidents,
dans les cellules de pomme de terre, de sorte que l'on aurait plutôt
(S1/W)/S2 [R < 10-6]
Nature
des objets décrits
Vous appliquez il me semble, en général, le formalisme pour décrire
- Soit des tissus animaux ou végétaux
- Soit des préparations : mais en général, seulement pour des sauces ou des bases de sauces ou d’appareil (blancs en neige, mayo, crème anglaise…), mais pas pour autre chose
En
réalité, rappelez vous que le DSF peut s'appliquer à tous les
produits formulés : cosmétiques, médicaments, peintures, etc.
Il y a eu des travaux confidentiels sur les cosmétiques, par
exemple.
Par
nature, ces deux catégories sont tout de même très différentes-
l’une est naturelle, l’autre est fabriquée, même si on peut se
retrouver avec des formules identiques. Mais pourquoi donc se
limiter, dans la catégorie des choses fabriquées, aux sauces ?
Je veux dire, décrire une préparation autre que sauce avec le
formalisme n’est-il pas utile pour en décrire la bioactivité ?
Je
ne me limite pas aux sauces : regardez le chapitre 2 du livre
Note à note
Est-ce
que, dans le cas de tous les autres plats qu’on peut décrire (un
œuf dur mayo, une quiche, un pot au feu, un faraday… Que sais-je)
, l’application du formalisme n’est pas utile en science mais
seulement en cuisine ?
Dans
le livre « Mon métier pâtissier », j'ai fait un
chapitre pour enseigner l'innovation en pâtisserie avec le DSF
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)