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lundi 31 juillet 2017

Question et réponse

Décidément, la question de l'émulsion et de la mousse n'a pas fini de se mettre en travers du chemin des cuisiniers.

Par exemple, ce matin, j'ai cru me retrouver presque trente ans en arrière :

Je suis chef pâtissier à xxxx. Je cherche à remplacer la gélatine animal par un produit qui ne soit pas d'origine animale.
Mon problème c'est que je ne trouve rien de semblable qui soit à la fois un gélifiant et un émulsifiant. Existe-t-il un mélange végétal?
C'est plus pour les mousses que ça pose problème. Un crémeux, une chantilly etc. : on peut remplacer la gélatine animale par un mélange de iota et kappa. Du carraghénane en gros. En plus elle se travaille à chaud contrairement à la gélatine... dans une moindre mesure.
Y a-t-il une solution ou existe-t-il un substitut ?
 
 
J'avais donc immédiatement répondu : 
 
Merci pour votre question... mais vous oubliez l'essentiel: dans quelle application voulez vous un substitut ? Par exemple, pour une chantilly, la question est-elle de stabiliser (auquel cas la gomme adragante va très bien) ? Ou autre ?
Bref, il me faut plus de précisions svp.
 
 
Et j'ai reçu les dites précisions : 
 
Oui ma question n était pas très claire... Je vous prie de m'excuser. 

Par exemple: 
Dans une crème pâtissière, j ajoute un peu de beurre et de la gélatine afin de pouvoir, une fois froide, la foisonner, elle devient plus aérienne si je puis dire. Là ma gélatine fait office d'émulsifiant. Qu'est-ce qui pourrait jouer ce rôle? 

Ou un autre exemple: 
une mousse de fraise sans matière grasse au siphon.  Avec un jus de fraise (fraise dans un cul de poule, filmer et cuit au bain.marie 3-4 heure) je le colle avec de la gélatine. En siphon, 2 cartouche de N2O. et on a une superbe mousse. J aimerais supprimer la gélatine animal. et obtenir le même résultat. 


De sorte que j'ai pu finalement donner une réponse qui se tient : 

J'analyse donc la question, mais en commençant par bien définir les mots, car je crois lire une confusion, dans votre message :
- émulsion : du gras (par exemple du beurre) dispersé dans un autre liquide sous la forme de petites gouttelettes
- émulsionner : disperser du gras dans un liquide ; il faut un "tensioactif", ou "émulsifiant"
- mousse : des bulles de gaz dans un liquide
- pour foisonner, c'est-à-dire introduire des bulles, il faut des produits foisonnants, qui sont également tensioactifs, mais qui peuvent être soit les mêmes, soit différents des émulsifiants. Par exemple, ce sont les protéines du jaune d'oeuf qui sont l'émulsifiant des mayonnaises... mais les protéines du blanc qui permettent le foisonnement des blancs... et aussi une émulsification des blancs d'oeuf avec de l'huile (par exemple d'olive).

Les tensioactifs ? D'abord les protéines, quelle que soit leur origine (gélatine, protéines végétales, protéines de blanc d'oeuf, protéines de jaune  d'oeuf, protéines de viande ou de poisson broyé), mais aussi les lécithines, ou bien d'autres composés, tels les monoglycérides ou diglycérides, les alginates, l'agar-agar, les carraghénanes, diverses gommes (guar, adragante, arabique, xanthane, pectines, dérivés de la cellulose, sels d'acides gras, quelques amidons et dérivés d'amidon....

Pour la crème pâtissière, il y a donc l'oeuf qui apporte tous les tensioactifs que l'on veut, et la meilleure preuve en est que les sabayons sont parfaitement foisonnés. D'ailleurs, on pourrait parfaitement imaginer de faire une pâtissière foisonnée en mêlant un empois et un sabayon ! La gélatine aussi, peut faire cet effet, comme je l'ai montré il y a des décennies avec les préparations que j'avais nommées des würtz (voir http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/48).

Pour l'autre exemple, le remplacement de la gélatine peut se faire avec de la poudre de blanc d'oeuf, ou de l'agar-agar, ou de  la lécithine, ou du carraghénane kappa, par exemple.


Alles guet, comme nous disons en Alsace.

jeudi 12 février 2015

Une fois n'est pas coutume... mais quand les questions sont intelligentes...

Environ 30 groupes de TPE (travaux personnels encadrés) me contactent chaque jour, parce qu'ils s'intéressent le plus souvent à la cuisine moléculaire, parfois à la gastronomie moléculaire, et, maintenant, parfois à la cuisine note à note.
Je ne peux évidemment pas leur répondre correctement, de sorte qu'il y a ce site fait principalement pour eux, avec questions, réponses, informations...
Toutefois parfois je réponds  spécifiquement, soit parce que la question m'irrite, soit parce qu'elle montre que mes jeunes interlocuteurs le méritent vraiment. Et c'est le cas aujourd'hui : il suffit de lire pour s'apercevoir que  la personne ne pose pas des mots au hasard, qu'elle s'est renseignée... et j'ai donc le devoir d'être clair pour être bien compris. Donc je réponds avec plaisir !
Ci-dessous, les questions sont en italiques, et les réponses en romain :


J'en suis à la rédaction de mon TPE, qui porte sur les techniques culinaires, et aliments différents de ceux d'aujourd'hui.
Les techniques culinaires : c'est un bon sujet. La cuisine est une activité qui a des composantes techniques, artistiques et sociales, mais la technique peut effectivement  faire l'objet d'un TPE, puisque la technique fait l'objet des études des technologies et des sciences (pour ces dernières, ce sont les phénomènes dégagés lors des transformations techniques qui peuvent nous intéresser). 
D'autre part, mon interlocuteur s'intéresse aux aliments différents de ceux d'aujourd'hui. Je suppose que ce ne sont pas ceux  d'antan, mais de demain ? La phrase est ambiguë, mais je pressens la suite. 
Tiens, j'y pense : cela fait en réalité deux  sujets... et c'est un bon conseil que je donne aux  élèves de focaliser sur un seul sujet, conformément aux recommandations du journal officiel. Les avez-vous lues ?
Je m'exprime assez mal, pour que vous me compreniez, je vous livre une brève explication:
Notre jeune ami mérite qu'on le pousse encore plus haut qu'il n'est : il faut un point après "mal", sans quoi  la phrase est amphibologique, et l'on comprend que la personne s'exprime mal "en vue" d'être mal comprise ! Ce qui n'est évidemment  pas le cas. Cher ami, tout  compte, quand on écrit (et quand  on calcule) : jusqu'à la ponctuation. Je vous recommande le Traité de la ponctuation. 
Nous sommes partis de l'idée du thème général: Nourrir les hommes différemment en 2050, avec trois idées principales: la cuisine moléculaire, les insectes, la viande in vitro.

Nourrir les hommes en 2050 : une vraie question. La cuisine moléculaire ? Pas une solution : je n'ai introduit la cuisine  moléculaire que pour moderniser les techniques. Les insectes ? Attention aux phénomènes de mode : le végétal est bien plus prometteur que l'insecte. La viande in vitro ? Bof... Après tout, pourquoi s'intéresser à la viande : ce dont nous avons besoin, ce sont d'acides aminés et de protéines ; pas de viande. 

C'est en lisant votre blog que je comprend notre erreur: la cuisine moléculaire date et comme vous le dites vous même, est dépassée par la cuisine note à note.
Pourtant, il est intéressant pour notre TPE d'exploiter cette erreur.
Voilà une  idée aussi intéressante qu'amusante : j'aime assez les gens qui reconnaissent leurs erreurs et qui font "d'un petit mal un grand bien" !

Voilà à quoi je voulais en venir: je crois comprendre assez bien le fait que vous insistiez sur les limites entre cuisine et gastronomie moléculaire, cuisine moléculaire et cuisine note à note.
Pourtant, j'ai du mal à les comprendre réellement, à les definir. 
Simple, pourtant : 
- la gastronomie moléculaire est une activité scientifique, qui doit produire des connaissance, en utilisant la méthode scientifique (voir mon livre "Science, technologie, technique : quelles relations) 
- la cuisine moléculaire est la cuisine faite avec des ustensiles "nouveaux" (ceux que n'avait pas Paul Bocuse dans sa "Cuisine du marché", en 1976
- la cuisine note à note est une cuisine où l'on utilise des composés plutôt que des viandes, poissons, oeufs, fruits et légumes. 
En effet, vous dites que l'utilisation de gélifiants est considéré comme de la cuisine moléculaire. 
Pardon, mais je n'ai pas dit cela ! Ce qui a été nouveau, ce sont les gélifiants différents de la gélatine (dans les années 1980, elle était  assez nouvelle, et l'on faisait les gelées au pied de veau) : agar-agar, carraghénanes, etc.
Cela dit, ce fut important, mais pas le coeur de la cuisine moléculaire qui se définit plutôt comme "utiliser des ustensiles et des méthodes nouveaux". 
Pourtant la gélatine est utilisée depuis des années, avant les années 80,  sans que cela soit considéré comme de la cuisine moléculaire... Où est donc la limite entre ces cuisines ? Qu'est ce qui est considéré comme de la cuisine moléculaire?

Je l'ai bien écrit plus haut ! Nous  sommes d'accord. Conservez svp l'idée que la cuisine moléculaire, c'est une cuisine faite avec nouveaux outils ou méthodes. 

De même, n'importe quelle recette "traditionnelle", si elle est faites avec de nouveaux ustensiles est considérée comme de la cuisine moléculaire?

Oui !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Vous évoquez: nouveaux ingrédients, nouvelles techniques, nouveaux matériaux. Que signifient ils réellement ?

Voir mes livres. Là c'est un trop gros morceau pour un blog.

De même, le fait d'étudier les réactions chimiques qui se produisent lorsque l'on fait de la cuisine moléculaire (ex:  réaction entre molécule d'alginate et les iions calcium...) est-il considéré comme de la gastronomie moléculaire? Si ce n'est pas cela, qu'est-ce?

C'est tout à fait de la gastronomie moléculaire. L'étude de la cuisine, c'est la gastronomie moléculaire, comme vous l'avez très  bien compris. 

















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)