jeudi 2 mars 2017

La question du laquage


Comment faire un bon canard laqué ? Comment faire du laquage ?

 J'ai répondu dans une proposition que j'ai faite il y a plusieurs années à mon ami Pierre Gagnaire : pour avoir un aspect laqué, il faut des couches successives de polymères à l'état vitreux. Voir la rubrique "Pierre et Hervé" de son site.

Tiens, je vous invite à laisser un oeuf, entier, dans sa coquille, pendant plusieurs mois dans la cuisine. Ou bien à mettre un oeuf à l'étuve, pendant quelques jours. Parfois, l'intérieur de l'oeuf se rétrécit, et fait une bille dure dans la coquille : on entend cela en secouant. Si l'on ouvre, on voit que le jaune s'est rétréci en une sphère environ moitié plus petite qu'un jaune d'oeuf ordinaire, liquide, et qu'il est recouvert par une "résine" brune, transparente : ce sont les protéines qui se sont agrégées en une phase amorphe solide, quand l'eau du blanc a été évaporée. Et l'ensemble est très lisse : n'est-ce pas le résultat que nous voulions ?
D'où la proposition qui consiste à déposer des couches successives d'une solution de polymères (par exemple des protéines) dont on évapore l'eau. Comment s'y prendre ? Prenons un fond de volaille, qui contient beaucoup de gélatine en solution, ou bien du blanc d'oeuf, par exemple, et peignons des couches successives en séchant (air chaud, four...).

Toutefois, dans un canard laqué, il faut aussi que la chair soit cuite. Cela tombe bien, car pour avoir le canard tendre, il vaut mieux cuire à basse température : si on fait le laquage dans un four ventilé à 70 degrés, par exemple, alors la chair cuira sans sécher, tandis que l'on pourra éliminer l'eau de la solution de laquage.

Le goût de la peau ? Il y a mille façons d'en donner, mais on peut évidemment utiliser un chalumeau ou un pistolet décape peinture. On peut aussi promouvoir les réactions de brunissement en changeant l'acidité... mais le goût est alors changé. Plus généralement, selon les composés présents dans la solution de laquage, on peut obtenir le goût que l'on veut. Dans le canard, la matière grasse de la peau peut réagir avec les acides aminés et les protéines présentes, par des réactions qui s'ajoutent aux réactions de Maillard, qui, je le rappelle, ne sont qu'un cas très particulier de réactions de brunissement des aliments.

Bref, il y a de quoi s'amuser.










Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

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