vendredi 22 août 2014
La cuisson des pâtes.
Cuire des pâtes ? La chose est si commune que l'on en oublie de s'interroger sur les mécanismes de la transformations. Ceux-là semblent tout simples : par exemple, pour un spaghetti, on part d'une tige cassante, on la met dans l'eau bouillante, et l'on obtient un spaghetti flexible qui, si l'on poursuit la cuisson, finit par se désagréger. Pourquoi cette transformation étonnante, au fond ?
Pour comprendre le mécanisme du phénomène, il est bon de s'interroger sur la fabrication des spaghetti : on obtient de ces derniers en poussant un mélange de farine et d'eau dans une filière. Pas n'importe quelle farine toutefois : il s'agit de farine de blé dur, laquelle contient une quantité notable de protéines susceptibles de former un réseau, ce que l'on nomme le gluten (un terme bien périmé : il fut introduit au XVIIIe siècle, quand on n'avait pas encore la notion de protéines), entre lesquels les grains de l'amidon sont dispersés. L'amidon est une matière qui est très majoritairement composée de deux composés : l'amylose et l'amylopectine, dont les molécules sont, dans les deux cas, des enchaînements de résidus de glucose, mais avec une différence, à savoir que ces résidus sont enchaînés linéairement, comme une chaîne, pour l'amylose, alors qu'ils forment des sortes d'arbres dans le cas de l'amylopectine. Dans l'amidon, il y a d'autres composés : en surface des grains, par exemple, il y a des quantités faibles, mais non nulles, de composés variés, tels les phospholipides ; et puis, il y a aussi une foule de composés qui proviennent de la dégradation des grains de blé lors de la mouture... mais restons au premier ordre. Finalement, un spaghetti, c'est un groupe de grains enchâssés dans un réseau protéique, de gluten.
Pour des nouilles, à l' alsacienne, des pâtes aux oeufs, la structure est analogue, puisque ces pâtes, absolument merveilleuses et dont le goût est sans doute supérieur (;-)... mais il est vrai qu'il y a le goût du jaune, qui n'est pas présent dans les spaghetti) à celui des spaghettis, s' obtiennent par mélange de farine, d'eau et d'oeuf. L'oeuf apporte des protéines qui, à la cuisson, coaguleront, formant une sorte de filet, un réseau, fonctionnellement analogue au gluten. La farine apporte toujours les grains d' amidon, et l'eau, qui s'immisce entre les grains par capillarité, permet un liant qui joue son rôle tant que le réseau protéique n'est pas constitué, en début de cuisson.
Considérons donc maintenant un échantillon de pâte, spaghetti ou nouille à l'alsacienne, que nous plongeons dans l'eau bouillante. Si cet échantillon est un échantillon de nouilles, la température élevée de l'eau, qui devient immédiatement celle de la surface de l’échantillon conduit à la coagulation des protéines. Un réseau se forme ; il empêche la dégradation de l'ensemble. Puis, progressivement, quand la température augmente dans l'échantillon, en même temps que l'eau diffuse dans ce dernier, les grains d'amidon s’empèsent progressivement, à savoir qu'ils perdent des molécules d'amylose, dans l'eau entre les grains, tandis que des molécules d'eau s’immiscent dans les grains et les font gonfler. Simultanément les protéines coagulent à des profondeurs croissantes de l'échantillon, quand la température s’élève. Finalement, on obtient un ensemble de grains gonflés enchâssé dans le réseau protéique coagulé.
Quand les spaghettis sont-ils cuits ? La dimension des spaghettis est égale à 1 quand ils sont crus. Puis, au cours de la cuisson, la « dimension fractale » augmente. Par exemple, si on laisse tomber un spaghetti dans une assiette, et si l'on trace ensuite une grille nxn sur l'image, on compte le nombre N de carrés contenant une partie de l'image du spaghetti, et l'on calcule F=2 log(N)/log(n.n) ; enfin on cherche la limite de F pour n tendant vers l'infini (en pratique, on fait varier n de 2 à 10 et l'on estime la limite). Quand on reporte cette dimension en fonction du temps de cuisson, on voit qu'elle croit linéairement avec le temps , mais avec deux régimes : de 0 à 12 minutes, la croissance est rapide ; puis la croissance diminue. Or 12 minutes correspond à un temps de cuisson « raisonnable ».
N'est-ce pas que la cuisine est une activité merveilleuse ?
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Libellés :
Alsace,
amidon,
amylopectine,
amylose,
cuisson,
dimension,
fractale,
gastronomie moléculaire,
gluten,
nouilles,
pâtes,
protéines,
spaghettis
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai apprise qu'il faut plonger les pâtes dans de l'eau salée et bouillante, puis attendre que ébullition reprenne et ceci sans mettre de couvercle sur la casserole. Mon fils m'a demandé pourquoi ? Selon lui mettre un couvercle permet de garder la température et donc de mieux cuire les pâtes. Avez vous un avis, et une explication? Merci.