samedi 31 décembre 2016

Pour les fêtes, j'aurais dû envoyer cela bien avant :

1. prendre un foie, le passer sous l'eau
2. le mettre dans une terrine avec un grand verre de gewurtztraminer et un grand verre de porto, un peu de sel, du poivre en abondance, couvrir
3. mettre au four à 60 °C pendant une heure
4. conserver l'ensemble (terrine fermée avec le liquide et le foie) pendant 2 semaines au réfrigérateur
5. une ou deux heures avant, récupérer le liquide et le faire prendre en gelée
6. servir le foie avec la gelée. 


Pourquoi cette recette ? Tout est dans la température : à 60 °C, le gras ne sort pas (très peu) du foie, parce que la chair ne se contracte pas, d'une part, et que la dilatation de graisse est réduite, d'autre part. A cette température, et avec cette durée, les micro-organismes sont détruits. 
Le poivre en abondance : on n'oublie pas les conseils de mon ami Emile Jung, à savoir que, dans un plat, il doit y avoir une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur. 




Evidemment, il y a aussi toutes mes inventions, bien utiles par ces temps de cuisine, "illustrées par des recettes de Pierre Gagnaire" sur http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve.

mardi 27 décembre 2016

A propos de ganaches

La tradition pâtissière veut que l'on produise des ganaches en :
 - fondant du chocolat
 - faisant bouillir de la crème
 - versant la crème au centre du chocolat fondu
 - mélangeant les deux masses à l'aide d'une cuiller que l'on passe en tournant autour de la crème.


Il y a maintenant 30 ans, j'ai proposé d'y réfléchir en termes physico-chimiques. Le système final est une émulsion, ce qui doit déterminer la pratique de préparation.

En effet, le chocolat est fait de sucre et de matières  végétales dispersés dans de la matière grasse. Quand on fond du chocolat, on forme une dispersion liquide, avec le sucre et les particules de matière végétale dispersées, cette fois, dans la matière grasse à l'état liquide.
La crème, d'autre part, est une émulsion, avec des gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l'eau. Faire bouillir l'ensemble ne change guère le système, au premier ordre : la crème bouillie reste une émulsion.
Quand on mêle le chocolat à la crème, le chocolat est comme l'huile que l'on ajoute à une mayonnaise : on augmente la proportion de matière grasse de l'émulsion, tandis que le sucre se dissout dans l'eau de la crème ; les particules végétales restent dispersées.
Finalement, on aura une émulsion qui refroidira, ce qui signifie que les gouttelettes de matière grasses cristalliseront en partie, restant émulsionnées. Le système sera mou, puisque la phase "continue", celle qui disperse les gouttelettes de matière grasse, sera faite d'un mélange des graisses du chocolat et du beurre : si les graisses du chocolat durcissent en refroidissant, celles du beurre restent partiellement liquides.

 Tout cela étant dit, on comprend que l'on puisse "savoriser" ou "odoriser" les ganaches de deux façons : soit en dissolvant des composés dans l'eau (de la crème), soit en dissolvant des composés dans la matière grasse. Le plus souvent, les composés solubles dans l'eau donnent de la saveur, tandis que les composés solubles dans ce que l'on nomme "l'huile" donnent de l'odeur.
Faut-il l'un, ou faut-il l'autre ? C'est mieux d'avoir les deux ! Par exemple, un caramel sera soluble dans la crème, mais des odeurs délicates iront dans la matière grasse. Bien sûr, si l'on infuse la crème avec des matières qui donnent du goût, les deux dissolutions se font simultanément.

 Enfin, une pratique rénovée sur la base de la compréhension précédente : pourquoi ne pas ajouter le chocolat fondu à de la crème chauffée, en fouettant comme pour une mayonnaise ? On est alors sûr de bien faire l'émulsion de type "huile dans eau".























Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

dimanche 25 décembre 2016

On dit que ... les maquereaux

On dit que les maquereaux "tournent" par temps d'orage.

Oui, on le dit, et, un jour d'été en Bretagne, au large de Fouesnant,  j'ai effectivement observé des maquereaux, que j'avais moi-même péchés en début d'après-midi, qui s'étaient partiellement décomposés, en fin d'après midi, après un orage, alors qu'ils avaient été laissés dans le cockpit. C'était spectaculaire, car la chair était devenue toute molle, presque liquide.

En revanche, le phénomène n'a pas eu lieu pour des maquereaux péchés un autre jour, sans orage. Faisait-il moins chaud ? Moins humide ?

On pourrait essayer de reproduire les conditions et de voir le développement de micro-organismes.

Qui fera les expériences ?












Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 20 décembre 2016

On dit que le beurre cuit est malsain... mais qui le dit ?

Oui, on dit que le beurre cuit est malsain… mais il  a même été dit qu'il valait mieux manger de l'huile (d'olive) que du beurre. Pour le beurre cuit, évidemment il y a cuit et cuit… mais le beurre noisette, par exemple, est-il malsain ?


Des études effectuées à l'université de Lille ont montré que la consommation de beurre, et celle de beurre cuit,  n'ont pas sur notre organisme les effets néfastes qu'on lui prêtait (voir http://www.cerin.org/publication/chole-doc/beurre-ne-compte-plus-pour-du-beurre.html).
Aujourd'hui, les choses changent : après quelques décennies pendant lesquelles on a crié haro sur le beurre, la crème, le lard, etc., on a vu l'obésité augmenter quand on a cessé de consommer ces produits, augmentant la consommation de sucres. De sorte que l'industrie alimentaire revient à ces produits délicieux que sont le beurre, la crème, le lard… quand ils sont bons (Toni Tarver, A big fat dispute, Food Technology, 08.16, 27-35, www.ift.org).
Car, évidemment, un beurre sans goût est sans intérêt. « Bon », cela ne veut pas nécessairement dire « artisanalement produit », car on voit des artisans empoisonner leurs clients (récemment avec des tapenades) ;  cela signifie « produit à partir de pratiques rationnelles et saines ». En l’occurrence, le beurre est bon quand l'alimentation des vaches est judicieusement choisie.

















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

jeudi 15 décembre 2016

Jaune d'oeuf protégé ?

On m'interroge :


Le jaune d'oeuf est-il mieux protégé de l'air dans la sauce mayonnaise que dans la coquille de son oeuf ?

Et la réponse est non !

Pour comprendre, je propose donc de comparer le jaune d'oeuf dans l'oeuf, et le jaune d'oeuf dans la mayonnaise.

Dans l'oeuf, le jaune se trouve limité par une membrane, qui le protège ; et l'ensemble est entouré du blanc d'oeuf, lequel contient du lysozyme, une protéine très efficace contre les bactéries... au point que l'on conservait naguère encore les blancs d'oeufs à température ambiante, dans les cuisine. Ce même lysozyme, découvert par Alexander Fleming, se trouve aussi dans les yeux, ce qui nous protège contre les infections.

Puis, autour du blanc, il y a encore une membrane, et la coquille. Finalement, cela fait beaucoup de protections !

Dans la sauce mayonnaise, en revanche, on a des gouttelettes dispersées dans le jaune : le jaune est donc au contact direct de l'air, et il n'est protégé... que par l'acidité du vinaigre que l'on a mêlé au jaune, avant d'ajouter l'huile :


Bref, les bactéries, levures, et autres micro-organismes ont un accès direct au jaune, et c'est plutôt l'huile, qui serait protégée.

De toute façon, la question n'est pas de protéger le jaune de l'air... mais des micro-organismes qui sont dans l'air.





















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Peut-on conserver de la mayonnaise ?

Peut-on conserver de la mayonnaise ? J'ai décrit la sauce en détail dans un autre billet, mais on m'a fait le reproche (amical) de ne pas avoir répondu à la question.

Et pour cause : je ne suis pas microbiologiste ! 

En conséquence, comme il y a une responsabilité à proposer de conserver ou non la mayonnaise, j'ai interrogé LE spécialiste de la microbiologie alimentaire, lequel est parfaitement à jour des études scientifiques.
J'en profite pour rappeler que nous ne sommes pas des experts si nous n'avons pas travaillé pour avoir de l'expertise. Et l'expertise, ce n'est pas rien. Par exemple, le praticien qui n'a pas de théorie reste un praticien, mais il n'a pas de vision générale d'un sujet. Personnellement, je n'aimerais pas être pris en faute de naïveté inconsciente, par ignorance, quand la vie d'autrui est en jeu.

Et il faut dire au public (nous) que, contrairement aux attaques hargneuses des roquets (dans la presse, sur des réseaux sociaux), les experts de l'Etat ne sont pas "vendus". Toute personne qui me le soutiendra sera disqualifiée à mes yeux... et j'irai bien vite chercher l'idéologie malhonnête derrière ses propos... à moins que ce soit de l'imbélicité ?

En tout cas, pour la mayonnaise, la réponse m'a été donnée par mon ami (c'est mon ami non pas parce que c'est mon ami, mais plutôt parce que je veux pour ami des gens travailleurs, honnêtes, bienveillants : qui se ressemble s'assemble, non ?). La voici :


Cher Hervé,
Tu as raison, le pH de la mayonnaise commerciale (3,0 à 4,2) prévient la croissance des bactéries pathogènes et permet même de les détruire.
 Le facteur limitant à leur conservation est le développement potentiel d'organismes d'altération acidophiles de type levures ou bactéries lactiques. Ce développement est très lent au froid. Donc une mayonnaise commerciale se conserve très longtemps en réfrigération, j'ai trouvé 2 à 8 semaines pour les salades à base de mayonnaise (qui sont les seuls aliments pour lesquels on trouve de la bibliographie), donc plusieurs semaines sans problème pour la mayonnaise commerciale réfrigérée (voire à température ambiante).
En revanche, il faut recommander de consommer rapidement (2 jours max au froid) une mayonnaise maison insuffisamment acidifiée (je n'évoque même pas une conservation à température ambiante).
Amitiés


Limpide, non ? Si nous voulons conserver un peu des mayonnaises, n'oublions pas ce paramètre important qu'est l'acidité... sans oublier qu'une mayonnaise n'est pas une rémoulade (dans la mayonnaise, jaune d'oeuf, vinaigre, huile ; dans la rémoulade, jaune, moutarde, vinaigre, huile).





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

dimanche 11 décembre 2016

La mayonnaise ? Mais c'est très simple

Un correspondant me dirige vers un site où je lis :



"La mayo est une émulsion où chaque molécule d'oeuf est enrobée d'huile, donc placée dans des conditions de conservation proches de l'idéal. Demandez à Hervé This, quoi !"

Le correspondant m'a donc interrogé... et j'ai confirmé que oui, la sauce mayonnaise est bien une émulsion, mais NON, chaque molécule d'oeuf n'est pas enrobée d'huile.

Je vais essayer d'être parfaitement clair, et des schémas nous aideront à mieux fixer les idées.


Commençons par les ingrédients 


Pour faire de la mayonnaise, on part de jaune d'oeuf et de vinaigre :






Si nous disposions d'un microscope si fort qu'il nous permettrait de voir jusqu'à l'échelle des molécules, nous verrions :


Bien sûr, il s'agit d'une simplification, mais les idées essentielles sont là :
- le jaune d'oeuf est fait de molécules de diverses sortes (en réalité, le fond orange ne correspond à rien : à part les molécules, il n'y a rien que du vide)
- la moitié des molécules du jaune d'oeuf sont des molécules d'eau
- parmi les autres molécules, il y a des molécule de "graisse" et des molécules de protéines
- les "graisses", ce sont des "triglycérides, ou bien des "phospholipides" ; autrement dit, les molécules de graisse sont soit des molécules de triglycérides, soit des molécules de phospholipides
- les protéines sont de divers types, avec des noms variés, mais je n'entre pas dans le détail
- les molécules sont "organisées en structures, à savoir que les molécules de protéines et les molécules de graisses forment des "granules", visibles au microscope optique, dispersés dans un "plasma", disons de l'eau, pour simplifier.

Pour le vinaigre, c'est bien plus simple, puisqu'il est fait d'environ 90 pour cent d'eau et d'environ 10 pour cent d'acide acétique. Autrement dit, le vinaigre est fait d'une molécule d'acide acétique pour neuf molécules d'eau :


Ici, le fond bleu ne correspond qu'à délimiter le volume du liquide, mais en réalité, il n'y a que des molécules : soit des molécules d'eau, soit des molécules d'acide acétique, représentée ici sous la forme d'ovales orange.
En réalité, les molécules d'acide acétique ne sont pas plus des ovales que les molécules d'eau ne sont de petits U renversés. Ces molécules sont faites d'atome, comme ci-dessous :

Les molécules d'eau sont faites d'un atome d'oxygène (en rouge) et de deux atomes d'hydrogène (en blanc), tandis que les molécules d'acide acétique sont faites (au total) de deux atomes de carbone (en gris), de quatre atomes d'hydrogène et de deux atomes d'oxygène.

J'allais oublier l'huile ! Cette fois, c'est bien plus simple : elle est composée quasi exclusivement de molécules de triglycérides, comme dans :











Nous avons maintenant les ingrédients, passons à la sauce mayonnaise 

Pour faire de la sauce mayonnaise, on ajoute de l'huile à un mélange de vinaigre et de jaune d'oeuf : les gouttes d'huile qui flottent à la surface du mélange sont coupées en deux, et en deux, et encore en deux, et ainsi de suite à chaque passage du fouet, de sorte que l'on obtient finalement une "émulsion", c'est-à-dire une dispersion de gouttelettes d'huile dans de l'eau où sont dissoutes diverses autres molécules : protéines, acide acétique, etc.

Au microscope optique, on voit ceci  :




Mais évidemment, chaque gouttelettes est faite de molécules de triglycérides, et l'eau est faites de molécules d'eau, avec, dedans, quelques molécules de protéines et d'acide acétique. Les protéines se placent à la limite des gouttelettes d'huile :

Ici, on voit sur le haut à gauche une partie d'une gouttelette : ce sont des molécules de triglycérides, avec une "peau" de molécules de protéines. Le reste, c'est une "solution aqueuse" : des molécules d'eau, des molécules d'acide acétique, des molécules de protéines.
Sur cette image, les proportions ne sont pas exactes : dans une mayonnaise terminée, il y a 95 pour cent d'huile, et seulement cinq pour cent de solution aqueuse.

Mais en tout cas, pour revenir à la phrase initiale que mon correspondant m'avait soumise :  oui, la sauce mayonnaise est bien une émulsion, mais NON, chaque molécule d'oeuf n'est pas enrobée d'huile.

Merci de m'indiquer si je n'ai pas été parfaitement clair : je peux essayer d'améliorer.









samedi 10 décembre 2016

On dit que les lentilles cuisent très difficilement dans certaines eaux

On dit que les lentilles cuisent très difficilement dans certaines eaux, et cela est parfaitement vrai : il y a de cela de nombreuses années, je faisais même l'expérience lors de conférences.

Pour une première expérience, je chauffais des lentilles dans de l'eau pure, ou dans de l'eau additionnée d'un sel de calcium. Quand les lentilles dans l'eau pure étaient cuites, on voyait que les lentilles cuites avec du calcium étaient restées très dures.

Puis, dans une second expérience,  je cuisais des lentilles soit avec de l'eau du robinet, soit  avec de l'eau et du vinaigre, soit avec du bicarbonate. Cette fois, j'arrêtais la cuisson quand les lentilles dans l'eau pure étaient cuites. A ce stade, les lentilles dans l'eau vinaigrée étaient dures comme de petits cailloux, tandis que les lentilles cuites avec du bicarbonate étaient complètement défaites (on obtenait une sorte de purée).

Pourquoi ces résultats ? Parce que, tout d'abord, dans les eaux calcaires, le calcium se lie aux molécules de pectine du ciment qui solidarise les cellules, ce qui prévient leur séparation : les légumes peuvent même durcir au lieu de s'attendrir, lors de la cuisson !
Le vinaigre a le même type d'effet, et c'est pour cette raison que l'on ajoute du jus de citron dans les confitures, où l'on veut l'effet inverse, à savoir la fermeté des gels (faits également de pectine). Avec le bicarbonate, on a un double effet, à savoir que le bicarbonate précipite le calcium, qui n'est pas disponible pour affermir les lentilles, et aussi qu'il est l'inverse d'un acide, de sorte qu'il évite l'association des pectines. Il suffit d'une pincée !

samedi 3 décembre 2016

On dit que l'ail bleuit quand il est mis à l'intérieur d'un poulet qui est rôti au four… mais est-ce vrai ?

On dit que l'ail bleuit quand il est mis à l'intérieur d'un poulet qui est rôti au four… mais est-ce vrai ?

Parfois l'ail bleuit. C'est un fait assuré, car j'ai des photos de gousses d'ail qui sont d'un joli bleu-vert. 
Dans quelles circonstances ce bleuissement se produit-il ? Un correspondant m'a signalé que les gousses d'ail bleuissent quand elles sont mises à l'intérieur d'un poulet que l'on rôtit au four. J'ai donc fait l'expérience, sans attendre, et mes gousses d'ail n'ont pas bleui. Ce n'est donc pas le fait de mettre des gousses d'ail dans un poulet que l'on rôtit qui fait bleuir, et il va falloir mieux préciser les conditions du bleuissement.

 Appel à tous !