La gastronomie moléculaire est une science de la nature. A ce titre, elle met en oeuvre des expériences et du calcul (à bien distinguer des mathématiques).
Un podcast à ce propos :
http://www.agroparistech.fr/podcast/Vive-le-calcul.html
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes
de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la
cuisine)
vendredi 23 janvier 2015
vendredi 16 janvier 2015
Des limonades qui moussent
Le
champagne mousse, mais sa mousse retombe. La bière mousse, mais sa
mousse tient très bien.
Une
telle déclaration est à l'emporte pièce ne vaut rien, bien sûr,
parce que l'on sait aujourd'hui combien le verre est important.
Notamment, un champagne versé dans un verre parfaitement propre ne
mousse pas du tout : les bulles qui, en montant vers la surface
du liquide, forment la mousse n'apparaissent que sur des fibres
creuses déposées par les textiles, ou sur des fissures dans le
verre (raison pour laquelle on peut faire monter des bulles d'un
verre rayé au fond. Je n'explique pas le mécanisme de formation des
bulles, parce que ce serait hors sujet (voir Casseroles et
éprouvettes, éditions Belin).
Passé
les cas particuliers, la phrase que j'avais écrite en introduction
reste vraie… et il y a lieu de s'interroger. Tout tient dans les
protéines ! Ces dernières sont rares dans les champagnes, mais
abondantes dans les bières, et, comme le montre l'expérience qui
consiste à fouetter un blanc d'oeuf en neige, les protéines sont
des bons agents « foisonnants ». Foisonner ? Cela
veut dire « faire mousser ».
Bref,
les protéines contribuent à la formation et à la tenue des
mousses.
De
ce fait, pourquoi ne pas ajouter des protéines, quand on veut une
mousse qui tient ? Par exemple, les boissons gazeuses sont
souvent d'une bien faible effervescence, mais, par exemple, pourquoi
n'aurions-nous pas une limonade avec un panache ? Il suffirait
de mélanger de l'acide citrique, du bicarbonate de sodium… et
quelques protéines. L'ajout d'eau conduirait alors à la réaction
du bicarbonate et de l'acide, à la formation de bulles de dioxyde de
carbone… que les protéines viendraient stabiliser, comme dans la
bière. D'ailleurs, je dis « limonade », mais pourquoi
pas de l'au avec du sirop de menthe, si l'on fouette, ou un jus mis
sous pression dans une bouteille, ou encore un liquide placé dans
un siphon. Les possibilités sont innombrables… et vraiment faciles
à mettre en œuvre. A vous de jouer...
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limonade,
mousse
lundi 12 janvier 2015
Un nouveau podcast
Un nouveau podcast est sur le site d'AgroParisTech : http://www.agroparistech.fr/podcast/La-sauce-Hollandaise.html
La question de la sauce hollandaise est discutée.
La question de la sauce hollandaise est discutée.
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dimanche 11 janvier 2015
Séminaire de gastronomie moléculaire, janvier 2015
Il se tiendra le 3 e lundi de janvier, à savoir le 19, de 16 à 18 h, au 28 bis rue de l'abbé Grégoire, Paris 75006
"Blanchir" jaunes et sucre dans une crème anglaise
On m'interroge ce matin : pourquoi blanchir les oeufs et le sucre pour faire une sauce anglaise?
La réponse est donnée dans mon livre "Mon histoire de cuisine", qui vient de sortir aux éditions Belin. Il est notamment fait état d'un travail que nous avions effectué dans nos séminaires de gastronomie moléculaire, et nous avons observé les différences entre blanchir et ne pas blanchir.
La réponse est donnée dans mon livre "Mon histoire de cuisine", qui vient de sortir aux éditions Belin. Il est notamment fait état d'un travail que nous avions effectué dans nos séminaires de gastronomie moléculaire, et nous avons observé les différences entre blanchir et ne pas blanchir.
samedi 10 janvier 2015
C'est hélas courant
Ce matin, une question :
Les messages de ce type (vous vous rappelez, d'après d'autres billets, que j'en reçois environ 30 par jour) méritent des tas de commentaires :
Je passe sur le "j'aurai", qui mériterait un s : c'est maintenant que la personne a besoin de conseils, et le premier est de soigner son orthographe, sans quoi elle est immédiatement cataloguée, avec les "faibles".
D'autant que vient cette "Phisique" qui, quand même, montre que l'intérêt pour la matière est réduit.
La lycéenne a du mal à trouver un plan en chimie ? Lorsqu'elle a écrit cela, nous, ses interlocuteurs, ne savons pas de quoi elle veut parler, puisqu'elle n'évoquait auparavant que la physique-chimie. Ce qui, d'ailleurs, ébauche un plan ;-) : 1. introduction ; 2. histoire ; 3. physique ; 4. chimie ; 5. conclusion.
Cela étant, pourquoi n'aurait-elle pas de mal ? Ce qu'on lui demande, c'est de se renseigner sur la gastronomie moléculaire, d'entasser des données, puis PRECISEMENT de faire ce travail de classement qui va aboutir à un plan.
Et puis, mes articles, conférences, podcasts... que l'on trouve d'un clic, sur internet, en tapant "gastronomie moléculaire", ont des plans. Pourquoi ne les utilise-t-elle pas ? N'a-t-elle pas cherché ? Auquel cas, mon aide doit se limiter à "cherchez, faites votre travail, au lieu d'aller au plus paresseux".
Surtout, je ne vois pas un "s'il vous plait", dans ce billet (je vois même un "merci par avance", qui préjuge de ma réponse ! Qu'elle commence par apprendre la politesse.
Bonjour monsieur
This, je m'appelle xxxxxxxxxxxxx, je suis une élève en 1ère S-SVT au
lycée xxxxxxxxxxxxx.
Je me
permet de vous envoyer cette e-mail, car j'aurai besoin de vos conseils.
Je fais mon TPE sur la gastronomie moléculaire, je l'ai divisé en 2
parties qui sont les matières imposées: Histoire et Phisique-Chimie.
J'ai beaucoup de mal à trouver un plan correct et long en chimie. Si
vous aviez quelques minutes à m'accorder en répondant à mon e-mail,
pourriez vous m'aider à trouver une articulation pour mon plan ?
Je vous remercie vivement par avance de l'aide que vous voudrez bien m'accorder.
Bien cordialement Les messages de ce type (vous vous rappelez, d'après d'autres billets, que j'en reçois environ 30 par jour) méritent des tas de commentaires :
Je passe sur le "j'aurai", qui mériterait un s : c'est maintenant que la personne a besoin de conseils, et le premier est de soigner son orthographe, sans quoi elle est immédiatement cataloguée, avec les "faibles".
D'autant que vient cette "Phisique" qui, quand même, montre que l'intérêt pour la matière est réduit.
La lycéenne a du mal à trouver un plan en chimie ? Lorsqu'elle a écrit cela, nous, ses interlocuteurs, ne savons pas de quoi elle veut parler, puisqu'elle n'évoquait auparavant que la physique-chimie. Ce qui, d'ailleurs, ébauche un plan ;-) : 1. introduction ; 2. histoire ; 3. physique ; 4. chimie ; 5. conclusion.
Cela étant, pourquoi n'aurait-elle pas de mal ? Ce qu'on lui demande, c'est de se renseigner sur la gastronomie moléculaire, d'entasser des données, puis PRECISEMENT de faire ce travail de classement qui va aboutir à un plan.
Et puis, mes articles, conférences, podcasts... que l'on trouve d'un clic, sur internet, en tapant "gastronomie moléculaire", ont des plans. Pourquoi ne les utilise-t-elle pas ? N'a-t-elle pas cherché ? Auquel cas, mon aide doit se limiter à "cherchez, faites votre travail, au lieu d'aller au plus paresseux".
Surtout, je ne vois pas un "s'il vous plait", dans ce billet (je vois même un "merci par avance", qui préjuge de ma réponse ! Qu'elle commence par apprendre la politesse.
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Hervé This,
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Qui peut signer un article scientifique ?
La recherche scientifique produit des connaissances, qu'elle publie dans des articles scientifiques, notamment.
Qui peut signer un article ?
Souvent, les institutions considèrent qu'un auteur est une personne qui a fait des contributions intellectuelles notables dans un travail de recherche scientifique.
Les auteurs, pour certains, doivent nécessairement satisfaire trois conditions, et tous ceux qui satisfont ces trois conditions doivent être signataires des articles :
- contribution notable à la conception, la planification, l'exécution des travaux, et l'analyse/interprétations des résultats
- participation à la rédaction, la révision des manuscrits, en termes de contenu intellectuel
- approbation de la publication;
Il est généralement considéré qu'une relation administrative, financière, supervision d'un groupe de recherche ne légitime pas la signature.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Qui peut signer un article ?
Souvent, les institutions considèrent qu'un auteur est une personne qui a fait des contributions intellectuelles notables dans un travail de recherche scientifique.
Les auteurs, pour certains, doivent nécessairement satisfaire trois conditions, et tous ceux qui satisfont ces trois conditions doivent être signataires des articles :
- contribution notable à la conception, la planification, l'exécution des travaux, et l'analyse/interprétations des résultats
- participation à la rédaction, la révision des manuscrits, en termes de contenu intellectuel
- approbation de la publication;
Il est généralement considéré qu'une relation administrative, financière, supervision d'un groupe de recherche ne légitime pas la signature.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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publication,
recherche scientifique
Combien d'applications ?
Une question :
Actuellement en classe de première S et faisant mon TPE sur la gastronomie moléculaire, je voulais savoir si vous pouviez répondre à une question dont j'ai cherché la réponse mais je ne l'ai malheureusement pas trouvée: J'ai lu que vous aviez crée des centaines d'applications à la gastronomie moléculaire, mais quelles sont-elles ? Je connais seulement la cuisine moléculaire et la cuisine note à note.
Une réponse :
Actuellement en classe de première S et faisant mon TPE sur la gastronomie moléculaire, je voulais savoir si vous pouviez répondre à une question dont j'ai cherché la réponse mais je ne l'ai malheureusement pas trouvée: J'ai lu que vous aviez crée des centaines d'applications à la gastronomie moléculaire, mais quelles sont-elles ? Je connais seulement la cuisine moléculaire et la cuisine note à note.
Une réponse :
Bonjour
Pour les applications, il y a :
- le livre "Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations", Belin/Quae
- la partie de site http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve sur le site de Pierre Gagnaire : voir "travaux précédents"
Je n'ai pas compté, mais j'aurais tendance à estimer à bien plus d'une centaine le nombre d' "innovations" que j'ai faites, notamment parce que les "formalismes" conduisent à un nombre INFINI de possibilités.
bon courage
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applications,
gastronomie moléculaire
dimanche 4 janvier 2015
Pour les concours, inscrivons-nous plusieurs fois de suite
Ce matin, un message amical, auquel je réponds :
Cher Monsieur THIS, bonjour.
Je suis actuellement étudiant en Licence Professionnelle Qualité et Sécurité des Aliments dans les Industries Agro-Alimentaire, et j'ai également obtenu le Brevet de Technicien
Supérieur Agricole en Science et Technologie des Aliments (BTSA STA).
Je
tenais à vous dire que si je suis titulaire de ce BTSA, c'est entre
autre grâce à vous. En effet je vous dois en partie l'intérêt que je
porte au secteur (agro)alimentaire et plus particulièrement aux
domaines du génie alimentaire, de la science des aliments et de la
recherche et développement.
Vous avez su me donner le goût (...)
de ces disciplines autant à travers vos ouvrages (très bien écrits et
présentés, dont la lecture est très agréable, notamment dans votre
dernier ouvrage « Mon histoire de cuisine ») que au travers des
cours dispensés par mes professeurs, qui s'inspirent volontiers de vos
travaux pour illustrer et animer leurs disciplines.
En
2014, j'ai pu participer aux trophées de l'innovation Pasteur avec deux
de mes camarades. Ensemble nous avions travaillés à la xxxxx (une fois de plus, vos travaux nous ont bien
aidés). Quelle déception pour nous lorsque nous avions compris que nous
n'aurions pas la chance de vous rencontrer, vous et vos collègues de
l'INRA…
J'espère pouvoir vous rencontrer un jour.
Je profite de la saison, pour vous souhaiter une bonne (et délicieuse) année 2015 !
Ma réponse est la suivante, et l'on comprend que je la donne parce qu'elle contient une information utile à tous :
Merci pour votre message amical. J'y pense : ceux qui font des
concours se présentent toujours plusieurs fois, avant d'être primés. Et
ils utilisent le jury pour comprendre pourquoi il n'ont pas été
retenus, les premières fois, évitant les écueils ensuite.
Cela
dit, ma question, si j'avais été interrogé aurait été : pourquoi avez-vous choisi votre projet ? En effet, je crois que les xxxx sont une
mode un peu inutile, alors que les protéines végétales sont
essentielles. Et c'est la raison pour laquelle nous avons lancé un
"Concours de cuisine note à note" : vous pourriez vous y inscrire, ainsi
que certains de vos camarades ? Voir http://www.agroparistech.fr/L-annonce-du-Troisieme-Concours-de.html
Très bonne année à vous
Libellés :
concours,
cuisine note à note
samedi 3 janvier 2015
Entre spéculatif et opératif
J'hésite d'abord à utiliser ces deux
mots, spéculatif et opératif, parce qu'ils sont largement utilisés dans
des cercles... disons philosophiques.
En outre, les utiliser d'emblée risquerait de tourner au cliché.
Partons donc de quelque chose de simple, de concret : la cuisine. Et, mieux encore, d'un mets populaire, à savoir un poulet rôti.
Il est vrai que l'on peut discuter ce poulet rôti du point de vue de sa production. Il y a des gestes à effectuer pour l'obtenir : prendre un poulet, le tuer, le plumer, le vider, le rôtir. On effectue des opérations, et la description est donc opérative.
Malgré nos cercles philosophiques, conservons le mot, puisqu'il s'impose dans notre langue.
Cela dit, il y a aussi un "commentaire" du poulet rôti qui discuterait les conditions de sa production.
Par exemple, on peut essayer de comprendre ce qui se passe quand on rôtit un poulet. Cette fois, il y a de l'analyse, laquelle peut déboucher sur de l'opératif, des modifications des recettes. Par exemple, si l'on analyse la question de savoir si l'ajout de matière grasse ou de jus sur les suprêmes en cours de cuisson fait ces derniers plus tendres, alors on peut arriver à des modifications de la "recette" : si l'ajout contribue à la tendreté, et dans l'hypothèse où cette dernière est souhaitable, alors on fera l'ajout ; sinon on ne le fera pas (pourquoi faire quelque chose d'inutile).
Dans cette seconde démarche, est-on "spéculatif" ? En latin, la vitre et le miroir sont respectivement specularia et speculum. Le speculator est l'observateur. On ne participe pas à l'opération, mais on la considère.
Est-ce le rôle de celui qui explore des mécanismes de phénomènes ? Est-il simplement un observateur ? Admettons-le temporairement : cela nous conduit à conserver le terme "spéculatif" pour désigner le second type de commentaires.
Le sol sur lequel nous voulions avancer étant affermi, nous voyons que la cuisine peut être abordée d'un point de vue opératif, ou d'un point de vue spéculatif. Et il apparaît - c'est une donnée d'expérience, pas une donnée absolue, mais une donnée à valeur statistique - que nombre de nos "amis" (j'entends par "ami" ceux à qui nous parlons, puisque je propose de ne pas perdre de temps à parler à nos ennemis, conformément à la sentence alsacienne qui dit que, pour manger avec le diable, même une longue fourchette ne suffit pas) sont peu intéressés par les commentaires spéculatifs, ou, inversement, peu intéressés par les commentaires opératifs.
Cela dit, leur intérêt initial importe peu : si la synthèse, la réunion des deux commentaires, se révélait plus "utile" que les points de vue séparés, n'aurions-nous pas intérêt à (1) chercher un moyen de réunir ces points de vue et (2) chercher à montrer à nos amis que cette synthèse est une voie vers laquelle ils gagneraient à aller ?
Pour le (1), c'est ce que j'avais cherché à faire, il y a longtemps, avec mon livre "Révélations gastronomiques" (Belin, Paris, 1997)... mais depuis sa parution, et malgré les encouragements de quelques amis, je reste dans l'idée que la fusion n'a pas été comme on pourrait le souhaiter : le livre est difficile à utilise du point de vue opératif (même si, je le répète, certains amis l'ont largement utilisé), et la "spéculation" est un peu désincarnée, séparée, isolée ; elle apparaît comme gênante, dans la marche opérative.
Une autre tentative remarquable est celle de Madame Saint Ange, avec sa Bonne Cuisine, publiée en 1925 aux éditions Larousse. C'est un livre étonnant, qui sépare bien les parties opératives et spéculatives... mais les sépare. La fusion n'est pas faite.
Il faut donc nous lancer dans une entreprise nouvelle, où nous mettrons en œuvre une méthode nouvelle, conformément à celle que je réclamais déjà de mes voeux dans mon livre Les précisions culinaires (Quae/Belin, Paris, 2012).
Raisonnons. D'abord, il y a un objectif que nous devons identifier clairement : le poulet rôti, par exemple. Cet objectif étant défini, on peut chercher les moyens de l'atteindre, en passant (pardon pour les termes militaires) par stratégie, d'abord, puis tactique ensuite.
Puisque la cuisine, c'est du lien social, de l'art, de la technique, il faudra que les trois aspects soient discutés à chaque étape. Et, pour couronner la chose, pourquoi ne pas proposer une évaluation, laquelle sera la possibilité de progresser, selon la bonne idée du chimiste Michel Eugène Chevreul "Il faut tendre à la perfection avec efforts sans y prétendre" ?
Essayons, avec une recette simple, de sablés.
Objectif : produire de petits gâteaux sablés.
Analyse de l'objectif : des gâteaux sont des préparations faites de farine, de sucre, au minimum, comme chacun sait. Cela dit, le sucre et la farine ne peuvent, une fois cuits, que faire une poudre, qui n'aura pas de liant. Pourquoi ne pas ajouter de l’œuf ? Ce serait mieux, mais la préparation resterait dure : avec un peu de matière grasse, cela ira bien mieux.
Avec ces première analyse, on obtient un résultat qui a du sens, car le sucre est de l'énergie immédiatement disponible, la farine de l'énergie disponible durablement, l’œuf apporte des protéines qui nous constituent, et la matière grasse s'impose pour constituer notre organisme. Les sablés sont donc des friandises nutritionnellement intéressantes.
Cela étant, les sablés doivent être sablés. Or l'eau apportée par l’œuf (un blanc d’œuf, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines ; un jaune, c'est 50 pour cent d'eau, 15 pour cent de protéines et 35 pour cent de lipides) risque de cimenter excessivement la farine, l'eau participant à la formation d'un réseau de protéines nommé "gluten".
Pour conserver le caractère sablé, friable, il faut mettre la farine dans la matière grasse, frotter pour obtenir un sable, ajouter le sucre, qui captera l'eau au détriment du gluten, puis ajouter enfin l'oeuf, qui fera la "soudure" par capillarité, avant cuisson, et coagulation des protéines après cuisson.
Nous avons donc la stratégie. La tactique ? Cela pourrait être le détail des proportions... et là, tout est possible ou presque. Avec des raffinements : par exemple, si l'on grille par avance la farine, ses protéines ne pourront plus faire le réseau de gluten, et le sablé sera friablissime, si l'on peut dire. Une pincée de sel, d'autre part, rehaussera le sucré, affaiblissant l'amer qui pourrait résulter du grillage. Le beurre ? A volonté. De la vanille ? Pourquoi pas. De la cannelle ? Pourquoi pas.
Et ainsi de suite... pour arriver à une proposition : 200 grammes de beurre, 75 grammes de sucre glace, 1 gramme de sel, 1 oeuf entier, 250 grammes de farine.
Ou plus opérativement :
Commencer par griller sous le gril du four 250 grammes de farine jusqu'à ce qu'elle soit blonde. La laisser ensuite refroidir.
Puis, dans une terrine, mettre 200 grammes de beurre.
Ajouter 75 grammes de sucre glace.
Et les 250 grammes de farine grillée refroidie.
Ajouter 1 gramme de sel.
Puis quand toute ces poudres ont été bien amalgamées au beurre, ajouter un œuf, et l'incorporer sans trop travailler.
Abaisser et cuire pendant une dizaine de minutes, de sorte que l’œuf coagule (la durée de cuisson dépend de l'épaisseur des sablés.
A ce stade, la discussion n'a été presque que technique, à l'exception de l'observation nutritionnelle, mais on a manqué toute la partie artistique (par exemple, la pincée de cannelle), et toute la partie de lien social (par exemple, le découpage de la pâte en forme de coeurs, avant la cuisson). Mais c'est sans doute quelque chose qui dépasse ma compétence... et je vous invite à contribuer à l'amélioration de nos sablés en mettant vos commentaires... qui contribueront à l'évaluation envisagée initialement !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
En outre, les utiliser d'emblée risquerait de tourner au cliché.
Partons donc de quelque chose de simple, de concret : la cuisine. Et, mieux encore, d'un mets populaire, à savoir un poulet rôti.
Il est vrai que l'on peut discuter ce poulet rôti du point de vue de sa production. Il y a des gestes à effectuer pour l'obtenir : prendre un poulet, le tuer, le plumer, le vider, le rôtir. On effectue des opérations, et la description est donc opérative.
Malgré nos cercles philosophiques, conservons le mot, puisqu'il s'impose dans notre langue.
Cela dit, il y a aussi un "commentaire" du poulet rôti qui discuterait les conditions de sa production.
Par exemple, on peut essayer de comprendre ce qui se passe quand on rôtit un poulet. Cette fois, il y a de l'analyse, laquelle peut déboucher sur de l'opératif, des modifications des recettes. Par exemple, si l'on analyse la question de savoir si l'ajout de matière grasse ou de jus sur les suprêmes en cours de cuisson fait ces derniers plus tendres, alors on peut arriver à des modifications de la "recette" : si l'ajout contribue à la tendreté, et dans l'hypothèse où cette dernière est souhaitable, alors on fera l'ajout ; sinon on ne le fera pas (pourquoi faire quelque chose d'inutile).
Dans cette seconde démarche, est-on "spéculatif" ? En latin, la vitre et le miroir sont respectivement specularia et speculum. Le speculator est l'observateur. On ne participe pas à l'opération, mais on la considère.
Est-ce le rôle de celui qui explore des mécanismes de phénomènes ? Est-il simplement un observateur ? Admettons-le temporairement : cela nous conduit à conserver le terme "spéculatif" pour désigner le second type de commentaires.
Le sol sur lequel nous voulions avancer étant affermi, nous voyons que la cuisine peut être abordée d'un point de vue opératif, ou d'un point de vue spéculatif. Et il apparaît - c'est une donnée d'expérience, pas une donnée absolue, mais une donnée à valeur statistique - que nombre de nos "amis" (j'entends par "ami" ceux à qui nous parlons, puisque je propose de ne pas perdre de temps à parler à nos ennemis, conformément à la sentence alsacienne qui dit que, pour manger avec le diable, même une longue fourchette ne suffit pas) sont peu intéressés par les commentaires spéculatifs, ou, inversement, peu intéressés par les commentaires opératifs.
Cela dit, leur intérêt initial importe peu : si la synthèse, la réunion des deux commentaires, se révélait plus "utile" que les points de vue séparés, n'aurions-nous pas intérêt à (1) chercher un moyen de réunir ces points de vue et (2) chercher à montrer à nos amis que cette synthèse est une voie vers laquelle ils gagneraient à aller ?
Pour le (1), c'est ce que j'avais cherché à faire, il y a longtemps, avec mon livre "Révélations gastronomiques" (Belin, Paris, 1997)... mais depuis sa parution, et malgré les encouragements de quelques amis, je reste dans l'idée que la fusion n'a pas été comme on pourrait le souhaiter : le livre est difficile à utilise du point de vue opératif (même si, je le répète, certains amis l'ont largement utilisé), et la "spéculation" est un peu désincarnée, séparée, isolée ; elle apparaît comme gênante, dans la marche opérative.
Une autre tentative remarquable est celle de Madame Saint Ange, avec sa Bonne Cuisine, publiée en 1925 aux éditions Larousse. C'est un livre étonnant, qui sépare bien les parties opératives et spéculatives... mais les sépare. La fusion n'est pas faite.
Il faut donc nous lancer dans une entreprise nouvelle, où nous mettrons en œuvre une méthode nouvelle, conformément à celle que je réclamais déjà de mes voeux dans mon livre Les précisions culinaires (Quae/Belin, Paris, 2012).
Raisonnons. D'abord, il y a un objectif que nous devons identifier clairement : le poulet rôti, par exemple. Cet objectif étant défini, on peut chercher les moyens de l'atteindre, en passant (pardon pour les termes militaires) par stratégie, d'abord, puis tactique ensuite.
Puisque la cuisine, c'est du lien social, de l'art, de la technique, il faudra que les trois aspects soient discutés à chaque étape. Et, pour couronner la chose, pourquoi ne pas proposer une évaluation, laquelle sera la possibilité de progresser, selon la bonne idée du chimiste Michel Eugène Chevreul "Il faut tendre à la perfection avec efforts sans y prétendre" ?
Essayons, avec une recette simple, de sablés.
Objectif : produire de petits gâteaux sablés.
Analyse de l'objectif : des gâteaux sont des préparations faites de farine, de sucre, au minimum, comme chacun sait. Cela dit, le sucre et la farine ne peuvent, une fois cuits, que faire une poudre, qui n'aura pas de liant. Pourquoi ne pas ajouter de l’œuf ? Ce serait mieux, mais la préparation resterait dure : avec un peu de matière grasse, cela ira bien mieux.
Avec ces première analyse, on obtient un résultat qui a du sens, car le sucre est de l'énergie immédiatement disponible, la farine de l'énergie disponible durablement, l’œuf apporte des protéines qui nous constituent, et la matière grasse s'impose pour constituer notre organisme. Les sablés sont donc des friandises nutritionnellement intéressantes.
Cela étant, les sablés doivent être sablés. Or l'eau apportée par l’œuf (un blanc d’œuf, c'est 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines ; un jaune, c'est 50 pour cent d'eau, 15 pour cent de protéines et 35 pour cent de lipides) risque de cimenter excessivement la farine, l'eau participant à la formation d'un réseau de protéines nommé "gluten".
Pour conserver le caractère sablé, friable, il faut mettre la farine dans la matière grasse, frotter pour obtenir un sable, ajouter le sucre, qui captera l'eau au détriment du gluten, puis ajouter enfin l'oeuf, qui fera la "soudure" par capillarité, avant cuisson, et coagulation des protéines après cuisson.
Nous avons donc la stratégie. La tactique ? Cela pourrait être le détail des proportions... et là, tout est possible ou presque. Avec des raffinements : par exemple, si l'on grille par avance la farine, ses protéines ne pourront plus faire le réseau de gluten, et le sablé sera friablissime, si l'on peut dire. Une pincée de sel, d'autre part, rehaussera le sucré, affaiblissant l'amer qui pourrait résulter du grillage. Le beurre ? A volonté. De la vanille ? Pourquoi pas. De la cannelle ? Pourquoi pas.
Et ainsi de suite... pour arriver à une proposition : 200 grammes de beurre, 75 grammes de sucre glace, 1 gramme de sel, 1 oeuf entier, 250 grammes de farine.
Ou plus opérativement :
Commencer par griller sous le gril du four 250 grammes de farine jusqu'à ce qu'elle soit blonde. La laisser ensuite refroidir.
Puis, dans une terrine, mettre 200 grammes de beurre.
Ajouter 75 grammes de sucre glace.
Et les 250 grammes de farine grillée refroidie.
Ajouter 1 gramme de sel.
Puis quand toute ces poudres ont été bien amalgamées au beurre, ajouter un œuf, et l'incorporer sans trop travailler.
Abaisser et cuire pendant une dizaine de minutes, de sorte que l’œuf coagule (la durée de cuisson dépend de l'épaisseur des sablés.
A ce stade, la discussion n'a été presque que technique, à l'exception de l'observation nutritionnelle, mais on a manqué toute la partie artistique (par exemple, la pincée de cannelle), et toute la partie de lien social (par exemple, le découpage de la pâte en forme de coeurs, avant la cuisson). Mais c'est sans doute quelque chose qui dépasse ma compétence... et je vous invite à contribuer à l'amélioration de nos sablés en mettant vos commentaires... qui contribueront à l'évaluation envisagée initialement !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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