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dimanche 5 mars 2017

La grave question de la sauce Albufera

Aujourd'hui, un cas de conscience, vite tranché, mais qu'il est important d'expliquer.

Alors que j'incrémente le Glossaire des métiers de bouche (http://www.agroparistech.fr/1-Glossaire-des-metiers-de-bouche-en-chantier-pour-toujours-merci-de-contribuer.html), j'arrive à l'entrée "sauce Albufera", dont je me souviens avoir rêvé, en lisant les bons auteurs. De la crème, un fond de volaille, le tout réduit, et l'on émulsionne du foie gras...
Pourtant, on m'indique une autre recette, à partir de beurre de poivron rouge, qui n'a donc rien à voir avec la précédente. D'où sort-elle ? De ce livre néfaste que fut le Répertoire de la cuisine, de Gringoire et Saulnier, lesquels étaient à la sorte d'Auguste Escoffier, cet homme qui élimina les noms de ses co-auteurs (Philéas Gilbert et Emile Fetu) du Guide culinaire.
Surtout, le Guide culinaire, comme le Répertoire de la cuisine, sous une façade de "normalisation" de la cuisine, de "codification", ont introduit nombre d'erreurs terminologiques, confondant les mayonnaises avec les rémoulades, les mousses avec les mousselines, etc. Les terminologies qu'ils ont retenues méritent d'être oubliées, et la révision complète du corpus culinaire doit être faite, sans accorder d'importance particulière à ces deux livres.

Au fond, tout cela doit nous rappeler que la cuisine, comme les autres activités, doit grandir, et non pas s'effriter sous les coups de l'ignorance.
L'examen des livres de cuisine du passé doit nous faire comprendre que certains parti pris sont à abandonner, et que c'est plutôt en distinguant mieux qu'en confondant que l'on arrivera à un usage plus précis des mots... et donc à des pratiques plus intelligentes.

Donc la sauce Albufera ? De la crème, du fond de volaille, une réduction, et du foie gras émulsionné. 












Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)



samedi 18 février 2017

Mousseline ?


Dans un billet précédent, j'ai expliqué l'incohérence du Guide culinaire, en ce qui concerne les mousses et les mousselines de poisson.

Après ce livre, des usages du mot "mousseline" se sont introduits en cuisine française.
Par exemple, la pâtisserie désigne ainsi diverses préparations qui contiennent de la crème fouettée.
Ou bien des préparations "fines", telle la "brioche mousseline".
En cuisine, on trouve aussi les "pommes mousseline" (le mot "mousseline" est invariable), faites d'une purée de pomme de terre additionnée de jaunes d’œufs et de crème fouettée : l'usage semble dater des années 1940.
Tout comme la sauce mousseline, qui est une sauce hollandaise épaisse à laquelle on incorpore au dernier moment de la crème fouettée.

Pourquoi ces dénominations ? On observera que l'emploi de crème fouetté était déjà dans les mousselines initiales, ces sortes de quenelles que l'on cuisait dans une mousseline. Il y a eu contamination linguistique... sans compter que le mot "mousse" fait penser à quelque chose de léger, et "mousseline" incite à penser à quelque chose de délicat.

Mais je m'aperçois que je n'ai pas discuté le mot "mousseline"  !
Il désigne une toile de coton claire, peu serrée, fine et légère.
Au figuré ou par métaphore, il s'applique à une chose ou à une matière légère, transparente et vaporeuse :  "Le demi-jour qui y régnait venait de la mousseline de poussière entassée sur les carreaux" (Soulié, Mém. diable, t. 1, 1837, p. 53). En verrerie, le mot a été utilisé pour désigner du verre très fin : "Il eut pour boire son bordeaux, un des premiers verres mousseline que le commerce ait fabriqués (E. de Goncourt, Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 355).
Le mot est connu depuis 1694, et il viendrait de mosulin,  « drap d'or et de soie fabriqué à Mossoul » (Marco Polo, éd. L. F. Benedetto, p. 18).



Pour terminer, dénonçons la malhonnêteté d'une certaine industrie alimentaire qui nomme "mousline" des flocons de pomme de terre, créant la confusion avec la préparation de pomme de terre que les cuisiniers font avec œufs et crème fouettée. J'invite mes amis à dénoncer ces usages aux instances d'état, et l'ANIA a faire du ménage chez ses adhérents !





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)