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lundi 1 mai 2017

"aïolli sans oeuf" est une périssologie, alors que "aïolli avec jaune d'oeuf" est un oxymore ; -)

Hier, j'ai twitté ""aïolli sans oeuf" est une périssologie, alors que "aïolli avec jaune d'oeuf" est un oxymore ; -)", et l'on m'interroge sur le sens mystérieux de la phrase.

Commençons par l'aïoli, qui s'est écrit aussi bien aïolli, alioli... C'est une préparation que l'on obtient en broyant de l'ail dans un mortien, au pilon, avec ajout de gouttes d'huile d'olive, tout en broyant. Après un bon quart d'heure, on obtient une préparation si épaisse que le pilon tient debout dedans.

L'interprétation ? L'ail est fait d'eau, de phospholipides, des protéines, et de bien d'autres composés minoritaires pour la composition, mais majoritaires pour le goût. Quand on broye cela avec de l'huile, on obtient une émulsion. Et plus une émulsion contient de petites gouttes d'huile serrées les une contre les autres, plus elle est épaisse et blanche.
Bien sûr, au vingt-et-unième siècle, nous savons que nous pouvons obtenir le même système au mixer, mais il reste à savoir, par un test triangulaire, si les deux préparations sont gustativement identiques ou non.

Cela étant, le point du twitt était plutôt d'observer que, contrairement à ce que pratiquent certains, il n'est pas utile d'ajouter du jaune d'oeuf pour monter un aïoli ! Et comme le goût change alors considérablement, je maintiens qu'un aïoli au jaune d'oeuf n'est pas un aïoli, mais une préparation qui doit avoir un autre nom, tel mayonnaise à l'ail .

De sorte qu'un aïoli sans oeuf est bien une "périssologie" : un pléonasme fautif. Quand on dit aïoli, pas besoin de dire sans oeuf, tout comme monter en haut ou descendre en bas sont fautifs.

Aïoli avec jaune d'oeuf ? Cette fois, ce n'est pas possible, pour la même raison que précédemment : c'est donc un oxymore, ou oxymoron, une impossibilité.


vendredi 31 mars 2017

Les ollis, d'où le chou-fleur-olli

Lors du repas du 23 mars 2017, au Sofitel Arroyo de Buenos Aires (Argentine), le chef Olivier Falchi a servi un repas dont j'ai brièvement exposé le menu dans un autre billet.
J'ai notamment expliqué quelques unes des recettes, mais il y avait la presse du retour, une semaine d'administration en souffrance, de sorte que j'ai été rapide.
Aujourd'hui, donc, je reviens sur un des plats qui était nommé "chou-fleur-olli". De quoi s'agit-il au juste ?

En 1987, je me suis intéressé à l'aïolli, et j'ai vite compris qu'il y avait des confusions entre les aïollis véritables, et de faux aïollis, qui sont en réalité des des mayonnaises à l'ail.
L'aïolli véritable, l'aïolli populaire, est apparenté au "beurre de Provence", qui est déjà signalé par Menon, dans les Dons de Comus, en 1742. Il s'agit de piler de l'ail cru avec de l'huile d'olive, dans un mortier, à l'aide d'un pilon. L'opération est longue, et elle conduit à une sauce qui a la viscosité d'un beurre mou.
Comme l'aïolli est une sauce "fragile", qui peut tourner en huile, certains ont empiriquement ajouté du pain trempé dans du lait, des pommes de terre cuites, ou de l'oeuf, tous ingrédients qui contiennent l'eau qui est indispensable à l'émulsion, laquelle est obtenue par dispersion de gouttes d'huile dans de l'eau.
Cela dit, progressivement, une pratique fautive de mayonnaise à l'ail s'est installée, avec un goût bien différent du goût de l'aïolli. Or c'est le goût qui est déterminant en cuisine, n'est-ce pas ? Bref, un aïolli, ce n'est pas une mayonnaise où l'on met de l'ail (et je fais ici l'impasse sur la confusion entre mayonnaise et rémoulade, si fréquente !).

Ayant vu tout cela, donc, je m'étais demandé pourquoi l'ail permettait de faire des aïollis, et j'avais d'abord exploré la même recette à partir d'oignon : un mortier, un oignon, on le pile, on continue de piler en ajoutant de l'huile... et c'est ainsi que j'ai obtenu ce que j'ai alors nommé un "oignolli". Puis, par le même procédé, un échalotolli.
J'étais content, mais, au fait, pourquoi ces possibilités ? Parce que les tissus végétaux sont composés d'eau (jusqu'à 99 pour cent dans une salade) enclose dans les "cellules", lesquelles sont des sortes de petits sacs, limités par une membrane et par une parois. La membrane ? Elle est fait de "phospholipides", composés merveilleusement adaptés à la confection des émulsions. La paroi ? Elle inclut des protéines, lesquelles sont également très utiles pour les émulsions.
De ce fait, tous les tissus végétaux ou animaux étant environ constitués des mêmes composés, je me suis dit que l'on pouvait faire des émulsions à partir de n'importe quel ingrédient  : viande, poisson, légume, fruit... Et c'est exact que cela fonctionne très bien ! Avec les viande, on fait du "viandolli". Avec les poissons, du poisonnolli. Avec du chou-fleur ? Du chou-fleur-olli !

Et c'est ainsi que j'ai proposé à Olivier Falchi de détourner sa recette initiale de chou-fleur. Il a donc cuit le chou-fleur dans du lait, puis il a ajouté de l'huile goutte à goutte au légume broyé; tandis qu'il fouettait. L'émulsion a été obtenue sans aucune difficulté. Evidemment, au vingt-et-unième siècle, on n'est plus obligé de faire les émulsions au fouet, ni au pilon  : un bon mixer électrique fait l'affaire. Au fait, combien d'huile pour un chou-fleur ? L'idée à garder en tête, c'est qu'une émulsion peut s'obtenir jusqu'à 95 pour cent d'huile pour 5 pour cent d'eau. Or un chou fleur contient environ 85 pour cent d'eau. Après, à vous

dimanche 12 février 2017

L'aïoli n'est pas une mayonnaise à l'ail



L'aïoli ?

Comme pour la mayonnaise, il y a beaucoup de confusion, avec tous ceux qui croient qu'il s'agit d'une mayonnaise à l'ail. 
 Erreur ! L'aïoli est une sauce ancienne, qui s'est toujours faite à partir d'ail et d'huile seulement. 

Historiquement, l'aïoli est très ancien, puisqu'on le trouve déjà sous le nom de « beurre de Provence », dans la Suite des Dons de Comus, paru au 18e siècle.

De l'ail dans un mortier, de l'huile ajoutée goutte à goutte que l'on incorpore au pilon. Parfois, il est dit de caler le mortier dans un linge, entre les genoux (on est assis). Parfois, il est dit que la préparation de la sauce prend un bon quart d'heure. Parfois il est dit que le pilon doit tenir debout dans la sauce, qui, donc, doit être très ferme.
Plus récemment, la sauce se dévoie avec du pain trempé dans du lait, ou avec de la pomme de terre, et, tout récemment à l'aune de l'histoire de la cuisine, on voit apparaître du jaune d'oeuf.
Mais sa présence est en quelque sorte scandaleuse, car elle change le goût de la sauce.
Bien sûr, l'aïoli peut se faire à partir d'ail blanchi, mais ne devrions-nous pas donner des noms différents à des objets différents ?

En tout cas, l'aïolli n'est certainement pas une mayonnaise à l'ail… sans quoi ce ne serait pas un aïoli… mais une mayonnaise aillée.








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

vendredi 8 août 2014

Ne cherchons pas les causes des faits qui n'existent pas.


Un ami m'envoie une précision culinaire à propos d’aïoli : les aïolis monteraient mieux quand on utilise de l'huile d'olive de l'année précédente. Pourquoi cette pratique, m'interroge-t-il ?


On sait qu'un torchon rouge agité devant un taureau conduit ce dernier à charge, mais, cette fois, résistons. Résistons, car les précisions culinaires sont loin d'être toutes justes, et des décennies de travail m'ont montré qu'il vaut mieux être prudent. Ce serait naïf de d'aller chercher la cause d'un effet qui n'existe pas.

L'aïoli ? C'est une sauce qui se compose exclusivement d'ail et d'huile d'olive. Pas de moutarde, sans quoi on produit une rémoulade ; pas d'oeuf, sans quoi on produit une mayonnaise à l'ail.

Pour faire un aïoli, on prenait jadis un mortier, des gousses d'ail, et l'on produisait d'abord une pâte à l'aide d'un pilon actionné répétitivement. Puis, toujours en pilant, on ajoutait de l'huile goutte-à-goutte et l'on s'arrêtait en quand la sauce avait pris une consistance de pommade.

Pourquoi cette transformation ? Parce que les gousses d'ail contiennent de l'eau pour plus de moitié, mais aussi des composés variés tels que les phospholipides des membranes, des protéines... Quand on ajoute de l'huile d'olive en pilant, le pilon divise les gouttes d'huile en microgouttelettes qui sont dispersées dans l'eau, les composés tensioactifs favorisant l'émulsion. Finalement, on obtient une émulsion très concentrée en huile, comme le serait une mayonnaise, par exemple, et le fait que les gouttes d'huile soient tassées les unes contre les autres prévient leur mouvement, et donc l'écoulement de la sauce.

La qualité de l'huile, dans cette affaire ? On peut bien sûr imaginer que le vieillissement de l'huile d'olive conduise à l'apparition de composés tensioactifs ou de composés qui stabiliseraient les émulsions par divers phénomènes. Toutefois, il y a tous les tensioactifs qu'il faut dans l'ail utilisé, à condition que l'on ait bien désagrégé les gousses, et les cellules qui composent ces dernières. On pourrait avoir le même phénomène que pour la tapenade, avec les mixers modernes : si l'on se contente de séparer les cellules, et non pas de les désagréger, ce qui libère leurs composés, alors on peut avoir des problèmes. Toutefois, si l'on a bien fait une pâte avec l'ail, le risque est faible.

Surtout, je propose d'interpréter. 

Je propose d'interpréter en observant que, comme pour la tapenade d'ailleurs, quand le travail de l'ail est insuffisant, la sauce peut rater.
Or mes études m'ont montré que les préparations qui ratent suscitent généralement plus de précisions culinaires que les autres. Le praticien se met alors à imaginer toutes les causes possibles : les règles féminines, la température, l'influence de la lune... ou la qualité de l'huile !
Il en va là de la pensée magique (voir Les précisions culinaires, Editions Quae/Belin), et la gastronomie moléculaire vient fort heureusement nous aider à mieux comprendre, au lieu de nous laisser en compagnie des démons. Pour l’aïoli, ne prenons pas nécessairement une huile ancienne, peut-être rancie, et privilégions des huiles dont nous choisirons d'abord le goût.




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)