samedi 25 février 2017

L'amertume des navets

Alors que nous préparions notre séminaire de gastronomie moléculaire de février 2017, où nous avons exploré l'épluchage des navets, j'avais voulu anticiper un peu, notamment en vue de planifier des expériences. Car il est vrai que la science progresse par tests expérimentaux d'hypothèses théoriques : contrairement à  des prétendus savoirs, contrairement aux pseudo-sciences portées par des individus à l'honnêteté douteuse, la science propose des tests de ses idées, et elle ne retient que ce qui passe le filtrer de l'expérimentation. Il ne s'agit pas de dogmatisme, contrairement à tous les faux savoirs, mais, au contraire, d'établir des faits.

Bref, je cherchais une hypothèse, pour tester s'il est vrai que, comme le disent certains cuisiniers, les navets épluchés à l'économe prennent de l'amertume ?
On sait que les navets sont très durs, et l'on sait aussi que les économes ne sont guère affûtés. De sorte que, immanquablement, le tissu sera comprimé au lieu d'être coupé... ce qui pouvait avoir un effet.


Je m'explique, puisque j'ai décidé il y a quelque temps de toujours être deux fois plus clairs que je pense devoir l'être.
Quand on coupe un tissu végétal, le couteau endommage les cellules sur une épaisseur plus ou moins grande, selon l'épaisseur de la lame et la façon dont le couteau est manipulé. Or les cellules endommagées libèrent à la fois des composés phénoliques et d'enzymes "polyphénoloxydases" : entre ces molécules, il y a des réactions qui changent le goût, comme quand une pomme est "tallée".

Bref, je me suis demandé si l'économe ne comprimait pas le tissu des navets, au lieu que le couteau (affûté) aurait mieux respecté le tissu végétal, ce qui aurait engendré des différences de goût, et possiblement de l'amertume.

Mais l'expérience a été faite... et nous avons observé tout autre chose : du piquant, et pas de l'amertume. Surtout, nous n'avons pas vu d'amertume entre les navets épluchés des deux façons. Dont acte... mais l'enseignement culinaire doit changer, au moins pour ce qui concerne l'épluchage des navets.





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

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