samedi 4 avril 2015
Combattons les mauvais manuels... pour aider les apprenants !
Oui, je déteste les mauvais manuels, car je considère que l'enseignant a une responsabilité vis-à-vis des apprenants.
Mieux, c'est la nature même de sa compétence que d'éviter de fourvoyer les élèves. Bien sûr, les savoirs scientifique étant révisables, il peut s'écouler un certain temps avant qu'une notions nouvelles aille dans l'enseignement, mais 15 ans, c'est vraiment trop !
Or l'on vient de me signaler un manuel de diététique et de nutrition qui propage encore ces idées fausses de la cuisson par concentration et de la cuisson par expansion.
Ces notions, fausses, ont été éradiquées des référentiels du CAP hôtellerie restauration lors de la 17e Commission paritaire, et les auteurs des manuels que je vise n'ont donc pris aucun soin à supprimer ces idées fausses, de sorte qu'ils sont responsables de l'apprentissage erroné des élèves. C'est intolérable !
Expliquons la chose. Pendant quelques décennies, on a enseigné qu'il existait deux types de cuisson : les cuisson qui étaient dites « par expansion » et les cuisson qui étaient dites « par concentration ». Il était dit que le rôtissage du rôti était une cuisson par concentration, et il était écrit et enseigné que les jus, les sucs, se réfugiaient à l'intérieur des viande, lors de la cuisson.
Cela n'est pas possible, car les viandes sont faites de solide et d'eau, lesquels sont incompressibles, et c'est la raison pour laquelle, quand la viande se contracte à la chaleur, les jus sont exclus, tombent dans le plat à rôtir, sont évaporés, et laissent ce résidu brun qui a beaucoup de goût. Il n'y a pas de concentration du jus ; il n'y a pas dans de concentration des goûts dans la viande, mais seulement une croûte brune qui a beaucoup de goût, en périphérie.
Dans le temps, les livres d'enseignement (fautifs, donc) montraient des schémas (fautifs, j'insiste), avec des flèches vers l'intérieur de la viande. Ces flèches ne peuvent en réalité désigner que la propagation de la chaleur. Il est exact que la température augmente d'abord à l'extérieur de la viande. Toutefois le mot « concentration » reste alors fautif, car il n'y a concentration de rien ! Mieux, on devrait dessiner des flèches vers l'extérieur !
Pour la cuisson fautivement nommée « par expansion », les manuels périmés montraient des flèches vers l'extérieur. Pour ces cuissons, de type pot-au-feu, les flèches pouvaient alors désigner des matières cédées par la viande au bouillon, mais « expansion » ?
La viande ne se dilate pas : elle se contracte, tout comme dans le rôtissage ! Ce dont on s'aperçoit facilement en pesant ou en mesurant un volume. Un morceau d'un kilogramme avant la cuisson finit à environ 750 grammes après cuisson. La viande s'est contractée, et son volume a diminué.
Pour mesurer la diminution de volume, c'est tout simple : il suffit de mettre du riz ou de la farine dans un récipient, de plonger de la viande, on marque un trait au niveau atteint par le riz. Puis on cuit et on mesure à nouveau : on voit alors que le nouveau niveau est plus bas que le premier, ce qui prouve que la viande a perdu du volume. Rien de difficile dans tout cela, et l'expérience nous montre que la viande n'a pas gonflé, qu'il n'y a pas eu d'expansion. Ce qu'il y a eu, c'est une perte.
Mais il y avait également eu une perte lors du rôtissage ! Autrement dit, dans un rôtissage comme dans un pot-au-feu, la viande s'est contracté et a perdu dans les deux cas.
La même chose dans les deux cas ! Il y aurait donc lieu de dessiner les mêmes flèches dans les deux cas. La différence entre les deux cas, c'est le goût, bien sûr ! Une viande cuite au four à 180 degrés brunit, s'entoure d'une croûte, tandis qu'une viande bouillie n'a pas de croûte, ne brunit pas.
Il y a donc lieu de changer l'enseignement, mais, surtout, de réviser très rapidement ces manuels minables qui continuent de propager des erreurs dénoncées il y a quelques décennies.
J'invite mes collègues à militer pour que, très rapidement, soient bannis de l'enseignement les théories périmées, fausses, dont on peut se demander pourquoi elles sont encore propagées.
De la paresse de la part des auteurs de manuels ? De la négligence ? De l'ignorance ? Du manque de travail ?
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
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