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samedi 2 janvier 2016

La gastronomie moléculaire : quel statut ?

La question revient sans cesse, alors qu'on ne cesse de confondre la gastronomie moléculaire avec la cuisine moléculaire (moins que par le passé pour le monde francophone), ou la science des aliments avec la technologie des aliments : qu'est-ce, au juste, que cette science qui aurait pour nom la gastronomie moléculaire ? Est-elle vraiment différente de la science des aliments ? Ou bien, comme la discipline s'intéresse à la cuisine, qui est une technique, est-ce de la technologie des aliments ?

Certes, il y a des raisons historiques, qui ont conduit à la création de la gastronomie moléculaire, à savoir que, dans les années 1980, les traités de "science des aliments" ne contenaient d'informations que sur les ingrédients alimentaires (oeufs, viande, légumes, fruits...), considérant très peu les transformations "culinaires", sauf quand ces dernières étaient mises en oeuvre par l'industrie alimentaire. D'innombrables phénomènes échappaient à l'activité de la science des aliments, qui se confondait d'ailleurs avec la technologie des aliments.

Des définition

A toute fins utiles, rendons tout cela compréhensible, avec quelques définitions que l'on trouverait dans des dictionnaires :
- gastronomie : connaissance raisonnée de ce qui se rapporte à la nourriture humaine
- cuisine : activité de préparation des aliments, à partir des ingrédients alimentaires
- aliment : toute substance susceptible de fournir aux êtres vivants les éléments nécessaires à leur croissance ou à leur conservation
- science (de la nature) : recherche  des mécanismes des phénomènes
- technologie : étude de la technique
- technique : activité de production (de biens, de services)

Qu'est-ce, alors, que la science des aliments ? On pourrait considérer qu'elle est composée de plusieurs parties, à savoir une science des ingrédients (production, composition, évolution lors du stockage...), une science qui explorerait les phénomènes qui ont lieu lors du passage des ingrédients aux aliments, ce qui est précisément la gastronomie moléculaire, une science qui considérerait la consommation des aliments, leur digestion, le métabolisme, la toxicologie...
Et puis, tant que nous y sommes, nous pouvons ne pas limiter la science des aliments aux sciences de la nature, mais inclure des sciences de l'homme et de la société, ce qui conduirait à inclure des études de la consommation, par exemple, ou  l'histoire de la cuisine, les explorations des terroirs...

La technologie des aliments, elle, pourrait également se diviser en plusieurs parties, avec, ici, la question  essentielle d'application des connaissances.
A propos de technologie, il n'est incongru de se demander en quoi la partie qui explore les techniques de production des aliments n'est pas de la gastronomie moléculaire ?  La réponse est la même que celle qui pourrait être donnée à propos des sciences et technologies des matériaux. La science des matériaux s'intéresse aux mécanismes physico-chimiques qui font que les matériaux ont leurs propriétés, alors que la technologie des matériaux vise à les produire, ou bien à augmenter leurs propriétés.
Au fond, il y a, derrière tout cela, la même différence que celle qui sépare  la chimie des sciences chimiques. Le projet, la méthode des techniques ne se confond pas avec le projet et la méthode des sciences de la nature.

Bref, une fois de plus, une saine analyse conduit à penser que la "gastronomie moléculaire" est une sous-discipline de la science des aliments, et, mieux, de la partie "sciences de la nature" de la science des aliments.

jeudi 31 décembre 2015

Les étapes de la recherche scientifique

Rédigeant un billet, et voulant renvoyer mes amis vers une description de la méthode scientifique (pour les sciences de la nature, ou sciences quantitatives), je m'aperçois que cette description figure dans mon livre "{Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ?}" (éditions Quae/Belin), mais qu'elle ne figure pas dans ce blog. Il faut absolument réparer cela.

A noter que la description que je donne a été testée devant les assemblées scientifiques les plus élevées, et notamment devant plusieurs lauréats du prix Nobel, ainsi que  devant des sommités des sciences chimiques, en de très nombreuses occasions, et tout particulièrement, le 4 juillet 2015, à Strasbourg (voir [http://www.canalc2.tv/video/1347->http://www.canalc2.tv/video/1347]2).
Comme personne ne m'a fait observer que j'étais dans l'erreur, je continue  de propager ma vision des choses (fondées, quand même, sur un examen soigneux de l'histoire des sciences et de l'épistémologie).

Je propose donc de considérer que la recherche scientifique se fait par les étapes suivantes, lesquelles constituent la "méthode scientifique" (pour les sciences de la nature, ou sciences quantitatives) :

1. identification d'un phénomène
2. quantification du phénomène
3. réunion des données quantitatives en "lois" synthétiques
4. par un processus d'induction, recherche des mécanismes quantitativement compatibles avec les lois identifiées, ce qui constitue une "théorie", un "modèle"
5. recherche de conséquences  de la théorie
6. tests expérimentaux de ces conséquences, ou "prévisions théoriques", en vue d'une réfutation, qui permettra de revenir à 1, et ainsi de suite à l'infini.

On ne  dira jamais assez que  toute théorie scientifique est fausse (disons insuffisante), et que l'on ne peut donc pas "démontrer scientifiquement", mais seulement réfuter. Autrement dit, l'activité scientifique produit des connaissances en réfutant les théories qu'elle produit.

On ne dira jamais assez, d'autre part, que les sciences de la nature ne sont pas un discours comme les autres : les théories, même si elles sont insuffisantes, comme on l'a vu plus haut, sont quantitativement compatibles avec les caractérisations quantitatives des phénomènes.
Les lois sont, évidemment, des façons synthétiques de donner des faits le plus juste possible, compte tenu des moyens de mesure à un moment donné, et les mécanismes proposés ne le sont pas au  hasard, mais parfaitement en accord avec les caractérisations quantitatives.

Et c'est ainsi que les sciences de la nature  sont particulières... et merveilleuses !












Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)