lundi 5 septembre 2016

Pourquoi les confits sont merveilleux

Les confits sont merveilleux, parce qu'ils sont gonflés de graisse, au moins quand ils sont bien faits. Or la graisse est, surtout quand elle n'est pas apparente, éminemment appréciée par l'être humain, dont l'appareil sensoriel comporte des détecteurs de cette matière indispensable à la construction et au fonctionnement de l'organisme.

Commençons par dire l’intérêt de la matière grasse pour l'organisme. Pour la partie molle, ce dernier est constitué de cellules, et, par exemple, les fibres musculaires sont comme de longs et fins tuyaux emplis d'eau et de protéines. Les tuyaux eux-mêmes, l'enveloppe, c'est d'abord une membrane cellulaire, puis du tissu collagénique. Si le tissu collagénique est essentiellement fait d'une protéine nommée collagène, la membrane, elle, est faite principalement de molécules de "phospholipides", à savoir des molécules faites d'une tête phosphatée et d'un corps lipidique. « Phosphaté » : cela signifie qu'il y a, au centre d'un tout petit groupe chimique fait d'atomes d'oxygène, un atome de phosphore. « Lipidique » : dans ce cas, il y a une chaîne d'atomes de carbone, une sorte de squelette auquel sont attachés des atomes d'hydrogène.
Autrement dit, notre organisme est plein de lipides, dans sa structure même, et notre alimentation, qui vise initialement à permettre le développement de l'organisme et son maintien, doit apporter des lipides. De la sorte, il n'est pas étonnant que l'évolution biologique ait introduit dans nos comportements une recherche inconsciente de lipides dans l'alimentation, et, donc, des systèmes de détection (sensorielle) de ces composés.
Autrement dit, quand nous mangeons un aliment qui contient de la graisse, notre organisme est contenté.




La confection des confits


Passons maintenant à la confection des confits. On doit rappeler qu'il s'agit initialement d'un procédé de conservation. Quand un animal est abattu, sa viande ne se conserve pas très longtemps, surtout quand il n'y avait pas de réfrigérateurs, et, avant l'appertisation (la mise en conserve), au 18e siècle seulement, l'humanité a évidemment cherché des moyens de conserver la viande pour les périodes de disette. Quand une famille abat un cochon, il est impossible de manger toute la viande, et il faut la conserver pour plus tard. D'où la mise au sel, le séchage, le fumage… et les confits.
Pour ces derniers, c'est simple, car de nombreuses opérations culinaires permettent de récupérer de la matière grasse, d'où les « pots à dégraissis » que l'on avait naguère dans les cuisine. Au lieu de cuire dans du bon beurre frais, ce qui était réservé à quelques nantis, on utilisait la graisse de ces pots. Elle servait aussi bien pour les sautés que pour les confits.
Pour les sautés, la pièce est posée sur la matière grasse, dans un sautoir, et la matière grasse ne sert alors qu'à assurer le contact, et donner du goût, en contribuant aux réactions chimiques qui colorent la surface. Cela s'apparente à ce que l'on nomme une « friture plate ».
 A l'opposé, on peut immerger entièrement la viande dans la matière grasse, tout comme un bouillon consiste à immerger dans l'eau. Cela s’apparenterait à la friture profonde si l'on dépassait la température d'ébullition de l’eau. Mais dans un confit, l'idée est de cuire le moins possible, ou, plus exactement, très longuement, mais à basse température. De la sorte, la viande reste tendre, conserve sa jutosité, la contraction des fibres musculaires étant évitée.
Simultanément le tissu collagénique se défait progressivement, phénomène qui est mis en œuvre dans les cuissons à basse température pour attendrir les viandes.
 Or quand le tissu collagénique se défait, les fibres musculaires peuvent se séparer, ce qui se voit bien quand on fait bouillir de  la viande dans l'eau pendant longtemps. On obtient alors une « touffe de fibres », entre lesquelles le liquide extérieur peut migrer par « capillarité ». Je renvoie vers un autre billet pour ce phénomène, et me contente d'observer ici que la matière grasse entre dans la viande, la gorgeant de graisse comme un pinceau se gorge d'encre ou de peinture. Simultanément les micro-organismes sont tués, et, si la viande est conservée dans la graisse, alors ces micro-organismes n'ont plus la possibilité de la faire putréfier, car ces bestioles ont besoin d'eau pour vivre. La viande peut donc se conserver très longtemps.
Puis, lors de la cuisson du confit, la cuisson finale qui prépare la consommation, on pose la viande dans un ustensile de cuisson et l'on chauffe. La matière grasse adhérant à la viande permet de ne pas en ajouter, mais, même si l'on ne voit pas la matière grasse de l'intérieur, elle est présente, de sorte que finalement, celui ou celle qui déguste un confit consomme beaucoup de matière grasse qu'il ne voit pas, mais dont son organisme a besoin… quand elle n'est pas en quantité excessive. 

La nutrition nous fait tourner en bourique... et elle se décrédibilise

Gras saturé ? Insaturé ? L'industrie alimentaire américaine, qui avait été une des premières à bannir les graisses saturées, revient sur son choix… qui a contribué à augmenter obésité aux États-Unis. Et l'on va voir revenir les graisses saturées, avec des discours marketing qui en vanteront les bienfaits. Tout cela, c'est évidemment du baratin, mais on ne manquera pas ici l'occasion de répéter le seul conseil diététique vraiment juste : il faut manger de tout en petites quantités et faire de l'exercice.
Ne finassons pas : dans le « tout », il n'y a pas la ciguë ni l’amanite phalloïde, mais il peut y avoir des composés qui ont des toxicités, car c'est aussi la dose qui fait que quelque chose est ou non un poison. Or, un poison en petites quantités n'est pas toujours un  poison, et il peut même devenir utile.
De toute façon, on n'arrivera pas à rassurer ceux qui ont peur (de leur alimentation), et, en conséquence, on n'essaiera certainement pas de les rassurer. Je n'aime pas l'argument d'autorité pour mille raisons que j'ai exposées dans des billets précédents, mais je propose de répéter avec force : mangeons de tout en petites quantités et faisons de l'exercice !






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)   

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