Risotto,
riz au lait... Voilà des préparations qui font usage de riz et pour
lesquelles on souhaite une consistance un peu crémeuse.
Le
riz étant constitué essentiellement d'amidon, la consistance crémeuse
n'est pas difficile à obtenir puisque, si l'on cuit le riz dans l'eau,
il laissera échapper l'amidon, lequel, dans l'eau chaude, s'empèsera
(les grains microscopiques d'amidon gonfleront, libérant dans l'eau de
l'amylose, qui donnera de la viscosité), de sorte que si sa quantité
n'est pas trop grande par rapport à la quantité d'eau, alors on
obtiendra cette consistance crémeuse, où des grains de riz un peu
défaits seront dispersés. Évidemment, si l'on cuit soigneusement, on
pourra conserver un peu de structure pour les grains, de sorte qu'on
aura alors les grains tendres dans la partie crémeuse.
Que
l'on cuise dans de l'eau, dans des bouillons, dans du lait, cela
revient presque au même... comme le prouve l'expérience d'ailleurs.
Le
plat, on le voit, peut-être fait en version salée ou en version sucrée,
et le goût est celui que nous décidons d'avoir, en employant plutôt tel
liquide. Généraliser un riz au lait n'est donc pas difficile : par
exemple, si nous faisons une sorte de risotto en cuisant dans du jus de
fraise, nous aurons ce que nous pourrions appeler un riz aux fraises. Si
nous cuisons dans un fond de viande, nous aurions un risotto à la
viande... Tout est possible, mais en pratique, une question essentielle
est d'éviter que la préparation attache à la casserole. À cette fin, les
fours à micro-ondes sont bien utiles, parce qu'ils déposent la chaleur à
l'intérieur des préparations, et non seulement sur les bords, où la
préparation attacherait, l'eau étant évaporée.
Mon
conseil : dans une casserole, mettre un corps gras, puis chauffer le
riz avec des ingrédients tels qu'oignons ou ail (en version salée), de
telle façon que l'on obtienne la vitrification des grains et que des
composés odorants aillent se dissoudre la matière grasse, tout comme
pour la préparation d'un bouillon de carottes (je vous renvoie à cette
préparation).
Ayant
donc légèrement modifié la surface des grains de riz, ayant très
certainement un peu hydrolysé l'amidon, formant du glucose qui donnera
de la plénitude en bouche, on ajoute un liquide qui a du goût
(certainement pas de l'eau : ce liquide la n'a guère d'intérêt gustatif)
et l'on commence à cuire, en touillant fréquemment avec une cuiller en
bois. De la sorte, on endommage un peu la surface, on favorise la
libération de l'amidon, on prépare l'obtention de la consistance
crémeuse. A un certain moment que le seul notre goût personnel décide,
on verse l'ensemble dans un récipient qui va au four à micro-ondes et
l'on parachève la cuisson du riz dans le four à micro-ondes. Il n'est
pas nécessaire d'être rapide, car une cuisson prolongée pourra
hydrolyser davantage l'amidon, former davantage de glucose.
Enfin, à la
sortie du four à micro-ondes, n'oubliez pas d'ajouter quelques éléments
durs, croquant : copeaux de parmesan, éclats de noisette grillés... car
si le crémeux de la préparation est essentiel, nos sens réclament des
contrastes et, notamment, des contrastes de consistance.
lundi 30 septembre 2013
Ce sera le 21 octobre
Notre prochain séminaire de gastronomie moléculaire se tiendra le 21 octobre, de 16 à 18 heures.
Les participants du séminaire de septembre ont choisi le thème :
Est-ce vrai ?
Au plaisir de retrouver ce jour là, pour des tests expérimentaux, tous ceux qui pourront+voudront.
A noter aussi que nous devrons, conformément au vote effectué, identifier des innovations fondées sur la tradition.
Note :
Les participants du séminaire de septembre ont choisi le thème :
on
dit qu'une feuille de figuier ajouté à une daube accélère la
cuisson, en attendrissant la viande
Est-ce vrai ?
Au plaisir de retrouver ce jour là, pour des tests expérimentaux, tous ceux qui pourront+voudront.
A noter aussi que nous devrons, conformément au vote effectué, identifier des innovations fondées sur la tradition.
Note :
Les
séminaires de gastronomie moléculaire sont des rencontres où nous
discutons et testons des « précisions culinaires »1.
Ils ont le plus souvent lieu le 3e lundi du mois (sauf juillet et
août), de 16 à 18 heures, à l'École supérieure de cuisine
française de la Chambre de commerce de Paris (merci à nos amis de
l'ESCF, et tout particulièrement à Bruno de Monte, le directeur du
Centre Ferrandi, et Christian Foucher, qui nous accueillent).
L'entrée
est libre, mais il est préférable de s'inscrire à
herve.this@agroparistech.fr.
On peut venir quand on veut/peut, sans formalité particulière.
C'est évidemment gratuit, puisque fondé sur le travail de tous les
participants et animé par un agent de l'Etat.
1On
rappelle que l'on nomme « précisions culinaires » des
apports techniques qui ne sont pas des « définitions ».
Cette catégorie regroupe ainsi : trucs, astuces, tours de
main, dictons, on dit, proverbes, maximes...
Libellés :
gastronomie moléculaire,
séminaire
jeudi 26 septembre 2013
La couleur des mets
Les mets produits par la cuisine note à note doivent avoir une couleur. Les questions qui se posent sont bien renouvelées, voir http://www.scilogs.fr/vivelaconnaissance/vendredi-des-questions-de-couleur/
mercredi 25 septembre 2013
A propos de pâte à choux
Ce matin, les questions suivantes m'arrivent :
N'étant pas scientifique, j'aimerais avoir les réponses aux questions suivantes :
1. lorsque je réalise une pâte à choux , avec une farine de type 45 ou type 55 le résultat n'est pas le même pourquoi ?
2. Le grain de blé et les molécules du blé qui ont pour rôle d'absorber le liquide quel qu'il soit (lait ou eau et beurre fondu), lorsqu'on fait de la pâte à choux est-elle différente, selon les farines et les blés ?
3. Est-il vrai que nous pouvons réaliser avec de la maïzena une pâte à choux ? Quelle est sa structure ? Quel est le résultat organoleptique ? La cuisson se fait-elle comme pour une farine classique type 45 ?
Voici des questions difficiles. Mon correspondant ayant précisé qu'il n'était pas scientifique, et ayant donné d'autres indications, je prends les choses en faisant l'hypothèse qu'il ne connaît aucune chimie.
Tout d'abord, partons d'un grain de blé. Ce grain varie considérablement, selon les variétés, et aussi selon les conditions de croissance. Certaines années, les farines sont "mauvaises", en terme de composition, mais aussi en termes de toxicité : une année humide, des champignons peuvent se développer, et former des aflatoxines toxiques.
Bref, on a des grains de blé, et l'on moud.
Selon la façon dont la mouture est conduite, on aura des farines qui concerneront plus ou moins le centre du grain, ou bien des farines qui intégreront du son.
Les plus blanches sont celles qui ont le plus d'amidon.
Ah, "amidon" : il s'agit de petits grains très blancs, faits de deux types de molécules, qui ont pour nom "amyloses" et "amylopectines". Les amyloses sont comme des fils, et les amylopectines sont comme des arbres. Les deux types sont présents en des milliards de milliards d'exemplaires dans un grain, empilés en couches concentriques. D'autre part, ces grains sont associés à des cires, des phospholipides, des protéines, etc.
Dans de la farine, il y a donc de l'amidon, essentiellement, et aussi des protéines. Ces protéines sont de diverses sortes : il y a les gluténines, les gliadines, et plein d'autres. Supposons que l'on en reste, du point de vue chimique, aux observations du 18e siècle : quand on malaxe de l'eau et de la farine, puis que l'on presse doucement la boule de pâte dans l'eau, on en fait partir l'amidon (poudre blanche qui sédimente dans le saladier), et il reste entre les mains ce "chewing gum" qui est le gluten. Ce gluten est fait de nombreuses protéines, et ces protéines font un grand filet, en se liant à l'eau.
Là où la réglementation des types est peu utile, c'est que, pour certains blés qui contiennent beaucoup de protéines, la farine de type 45 que l'on obtient... contient plus de gluten que des farines de type 55 que l'on aurait avec d'autres farines. En réalité, le type ne dit rien du gluten ou de l'amidon, car il décrit seulement le "taux de cendres", c'est-à-dire environ la masse de cendre que l'on récupère quand on calcine de la farine.
Bien sûr, on peut souvent faire l'hypothèse que la farine 45 contient moins de gluten que la 55, mais ce n'est pas toujours vrai... et d'autre part, la composition est bien plus complexe qu'on ne le pensait au 18e siècle.
Répondons maintenant à la question 1 : souvent, le résultat sera différent entre une farine 45 et 55... mais pas toujours.
On peut aussi répondre à la question 2 : oui, quelque soit le liquide, si c'est une "solution aqueuse", c'est toujours l'eau qui se lie aux protéines du gluten. Enfin, peut-on faire une pâte à choux avec de la maïzena.
Là, évidemment, j'ai la réponse... mais pourquoi ne faites vous pas l'essai ? Cela prend quelques minutes, et vous auriez une réponse bien plus puissante qu'une simple réponse écrite, non ?
J'y pense, tant que vous y êtes à faire des essais : pourquoi ne pas essayer de remplacer l'eau par du café, du thé, du jus de framboise, du vin, du bouillon ? Et pourquoi ne pas remplacer le beurre par du chocolat fondu, du fromage fondu, du foie gras fondu ?
Et pourquoi ne pas utiliser de la farine de châtaigne, du sarrasin ? Jusqu'à l'oeuf : pourquoi ne pas le remplacer par de la viande ou du poison broyé très finement ?
Amusez vous bien !
N'étant pas scientifique, j'aimerais avoir les réponses aux questions suivantes :
1. lorsque je réalise une pâte à choux , avec une farine de type 45 ou type 55 le résultat n'est pas le même pourquoi ?
2. Le grain de blé et les molécules du blé qui ont pour rôle d'absorber le liquide quel qu'il soit (lait ou eau et beurre fondu), lorsqu'on fait de la pâte à choux est-elle différente, selon les farines et les blés ?
3. Est-il vrai que nous pouvons réaliser avec de la maïzena une pâte à choux ? Quelle est sa structure ? Quel est le résultat organoleptique ? La cuisson se fait-elle comme pour une farine classique type 45 ?
Voici des questions difficiles. Mon correspondant ayant précisé qu'il n'était pas scientifique, et ayant donné d'autres indications, je prends les choses en faisant l'hypothèse qu'il ne connaît aucune chimie.
Tout d'abord, partons d'un grain de blé. Ce grain varie considérablement, selon les variétés, et aussi selon les conditions de croissance. Certaines années, les farines sont "mauvaises", en terme de composition, mais aussi en termes de toxicité : une année humide, des champignons peuvent se développer, et former des aflatoxines toxiques.
Bref, on a des grains de blé, et l'on moud.
Selon la façon dont la mouture est conduite, on aura des farines qui concerneront plus ou moins le centre du grain, ou bien des farines qui intégreront du son.
Les plus blanches sont celles qui ont le plus d'amidon.
Ah, "amidon" : il s'agit de petits grains très blancs, faits de deux types de molécules, qui ont pour nom "amyloses" et "amylopectines". Les amyloses sont comme des fils, et les amylopectines sont comme des arbres. Les deux types sont présents en des milliards de milliards d'exemplaires dans un grain, empilés en couches concentriques. D'autre part, ces grains sont associés à des cires, des phospholipides, des protéines, etc.
Dans de la farine, il y a donc de l'amidon, essentiellement, et aussi des protéines. Ces protéines sont de diverses sortes : il y a les gluténines, les gliadines, et plein d'autres. Supposons que l'on en reste, du point de vue chimique, aux observations du 18e siècle : quand on malaxe de l'eau et de la farine, puis que l'on presse doucement la boule de pâte dans l'eau, on en fait partir l'amidon (poudre blanche qui sédimente dans le saladier), et il reste entre les mains ce "chewing gum" qui est le gluten. Ce gluten est fait de nombreuses protéines, et ces protéines font un grand filet, en se liant à l'eau.
Là où la réglementation des types est peu utile, c'est que, pour certains blés qui contiennent beaucoup de protéines, la farine de type 45 que l'on obtient... contient plus de gluten que des farines de type 55 que l'on aurait avec d'autres farines. En réalité, le type ne dit rien du gluten ou de l'amidon, car il décrit seulement le "taux de cendres", c'est-à-dire environ la masse de cendre que l'on récupère quand on calcine de la farine.
Bien sûr, on peut souvent faire l'hypothèse que la farine 45 contient moins de gluten que la 55, mais ce n'est pas toujours vrai... et d'autre part, la composition est bien plus complexe qu'on ne le pensait au 18e siècle.
Répondons maintenant à la question 1 : souvent, le résultat sera différent entre une farine 45 et 55... mais pas toujours.
On peut aussi répondre à la question 2 : oui, quelque soit le liquide, si c'est une "solution aqueuse", c'est toujours l'eau qui se lie aux protéines du gluten. Enfin, peut-on faire une pâte à choux avec de la maïzena.
Là, évidemment, j'ai la réponse... mais pourquoi ne faites vous pas l'essai ? Cela prend quelques minutes, et vous auriez une réponse bien plus puissante qu'une simple réponse écrite, non ?
J'y pense, tant que vous y êtes à faire des essais : pourquoi ne pas essayer de remplacer l'eau par du café, du thé, du jus de framboise, du vin, du bouillon ? Et pourquoi ne pas remplacer le beurre par du chocolat fondu, du fromage fondu, du foie gras fondu ?
Et pourquoi ne pas utiliser de la farine de châtaigne, du sarrasin ? Jusqu'à l'oeuf : pourquoi ne pas le remplacer par de la viande ou du poison broyé très finement ?
Amusez vous bien !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de
cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
lundi 23 septembre 2013
La connaissance par la lorgnette de la gourmandise : les cannelés
Nous avons déjà souvent envisagé les soufflés, mais aujourd'hui, je propose de considérer des cousins de ces derniers : les cannelés.
Ce sont des petits gâteaux, de forme tronconique, avec des ondulations de la surface (dues au rainurage du moule), de couleur superficielle très soutenue, avec une belle alvéolation. Ils coûtent une fortune, alors que leur préparation est d'une simplicité extrême. En effet, il s'agit simplement de pâte à crêpe que l'on dépose dans des moules et que l'on fait cuire pendant très longtemps (presque une heure) dans un four très chaud.
Comment une pâte à crêpes peut-elle faire des cannelés gonflés ? Pourquoi sont-ils d'une couleur soutenue ? Pourquoi sont-ils alvéolés ?
Pour la couleur, c'est le plus simple : puisque les moules à cannelés sont en métal, la matière qui est en contact des bords des moules est portée à une température quasi égale à celle du four, par conduction, soit entre 160 à 200 degrés selon les recettes. Pas étonnant qu'il y ait de la couleur.
Pour l'alvéolation, l'analyse des soufflés nous donne la clé du phénomène : la pâte à crêpes contenant beaucoup d'eau, cette dernière est évaporée à bien plus de 100° au contact des parois, de sorte qu'une croûte se forme et que beaucoup de vapeur apparaît ; un gramme d'eau liquide évaporée fait un litre de vapeur, de sorte qu'il y a largement de quoi faire gonfler les cannelés. De plus, la pâte étant un peu épaisse, les bulles de vapeur sont piégées dans l'intérieur de la préparation, ce qui fait l'alvéolation.
La recette ? De la pâte à crêpes, dans un moule, dans un four chaud, pendant longtemps, presque une heure. Tout simple, n'est ce pas ?
dimanche 22 septembre 2013
Dimanche, jour des applications des sciences quantitatives.. avec les « gibbs »
Dans un précédent billet, nous avons considéré les liebigs, des émulsions gélifiées.
Toutefois, il y a gélification et gélification ; certaines sont réversibles, dites « physiques », tandis que d'autres sont « chimiques ». Les gélifications chimiques sont des gélifications irréversibles, assurées par la formation de liaisons chimiques plus fortes que dans les gélifications physiques.
Un type particulier résulte de la formation de liaisons chimiques particulières nommées ponts disulfures, telles qu'il s'en forme lors de la coagulation de l'oeuf. De ce fait, on entrevoit aussitôt que l'on peut obtenir une émulsion gélifiée chimiquement en émulsifiant de l'huile dans une solution qui contient des protéines capables de coaguler, telles qu'il y en a dans le blanc d'oeuf, puis en faisant coaguler les protéines.
La recette est extrêmement simple : fouetter de l'huile dans du blanc d'oeuf, jusqu'à obtenir une préparation épaisse comme une mayonnaise, mais blanche, puis cuire quelques secondes cette préparation au four à micro-ondes, afin d'obtenir la coagulation les protéines restées à la surface des gouttes d'huile. Et c'est ainsi que l'on obtient rapidement une émulsion gélifiée blanche et insipide.
J'ai nommé de ce système un « gibbs ».
Blanches et insipides : est-ce rédhibitoire ? Pas du tout : il suffit de donner de la couleur et du goût.
Pour la couleur, tous les pigments ou colorants comestibles font l'affaire : les chlorophylles engendrant le vert, jusqu'aux caroténoïdes qui font le jaune, rouge, orange, en passant par les composés phénoliques des fleurs et fruits, qui font aussi du bleu, ou en passant par les bétalaïnes des betteraves.
Du goût : cela signifie de la saveur et de l'odeur. Comme il y a de l'huile dans la préparation, on conçoit facilement qu'il soit facile d'y dissoudre des composés odorants, le plus souvent solubles dans l'huile.
Pour la saveur, les composés sont solubles dans l'eau, ce qui tombe précisément bien, puisque le blanc d'oeuf initialement utilisé est composé de 90 % d'eau.
On le voit : finalement, il n'est pas difficile de fairedes gibbs au goût merveilleux ! note : je vous recommande un blanc d'oeuf que vous sucrez, puis vous émulsionnez une huile où vous avez fait macérer des gousses de vanilles, et vous passez au four à micro-ondes dans de jolies tasses. A servir avec un élément croustillant ou croquant, tuile aux amandes ou autre.
Toutefois, il y a gélification et gélification ; certaines sont réversibles, dites « physiques », tandis que d'autres sont « chimiques ». Les gélifications chimiques sont des gélifications irréversibles, assurées par la formation de liaisons chimiques plus fortes que dans les gélifications physiques.
Un type particulier résulte de la formation de liaisons chimiques particulières nommées ponts disulfures, telles qu'il s'en forme lors de la coagulation de l'oeuf. De ce fait, on entrevoit aussitôt que l'on peut obtenir une émulsion gélifiée chimiquement en émulsifiant de l'huile dans une solution qui contient des protéines capables de coaguler, telles qu'il y en a dans le blanc d'oeuf, puis en faisant coaguler les protéines.
La recette est extrêmement simple : fouetter de l'huile dans du blanc d'oeuf, jusqu'à obtenir une préparation épaisse comme une mayonnaise, mais blanche, puis cuire quelques secondes cette préparation au four à micro-ondes, afin d'obtenir la coagulation les protéines restées à la surface des gouttes d'huile. Et c'est ainsi que l'on obtient rapidement une émulsion gélifiée blanche et insipide.
J'ai nommé de ce système un « gibbs ».
Blanches et insipides : est-ce rédhibitoire ? Pas du tout : il suffit de donner de la couleur et du goût.
Pour la couleur, tous les pigments ou colorants comestibles font l'affaire : les chlorophylles engendrant le vert, jusqu'aux caroténoïdes qui font le jaune, rouge, orange, en passant par les composés phénoliques des fleurs et fruits, qui font aussi du bleu, ou en passant par les bétalaïnes des betteraves.
Du goût : cela signifie de la saveur et de l'odeur. Comme il y a de l'huile dans la préparation, on conçoit facilement qu'il soit facile d'y dissoudre des composés odorants, le plus souvent solubles dans l'huile.
Pour la saveur, les composés sont solubles dans l'eau, ce qui tombe précisément bien, puisque le blanc d'oeuf initialement utilisé est composé de 90 % d'eau.
On le voit : finalement, il n'est pas difficile de fairedes gibbs au goût merveilleux ! note : je vous recommande un blanc d'oeuf que vous sucrez, puis vous émulsionnez une huile où vous avez fait macérer des gousses de vanilles, et vous passez au four à micro-ondes dans de jolies tasses. A servir avec un élément croustillant ou croquant, tuile aux amandes ou autre.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de
cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
samedi 14 septembre 2013
Pour se lancer dans la recherche
Je cherche des informations pour une de mes connaissances qui souhaiterait devenir " Chercheur en Gastronomie alimentaire " , cependant les informations trouvées ne sont que peu suffisantes...
Néanmoins la question me revient toujours à l'esprit : quelle formation/études sont à effectuer afin d'arriver à ce métier ?
La gastronomie moléculaire étant une discipline spécifique des sciences quantitatives, la formation qu'il faut avoir est une formation dans cette discipline. Bien sûr, on peut se spécialiser en chimie (organique, analytique, etc.) ou en physique (matière molle, physique quantique, etc.), ou encore en physiologie sensorielle, mais il s'agira toujours d'apprendre à calculer, et d'être en mesure d'explorer les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des aliments. Autrement dit, dans tous les cas, il faudra viser une formation en sciences quantitatives (ce qui est abusivement nommé "sciences"), en vue d'entrer dans une université ou un institut de recherche (INRA, CNRS...). A noter que, pour bien faire ce métier, il faut absolument avoir des capacités de calcul fermement assurées, et du goût pour cela, puisque la science quantitative passe par le "nombrage" des phénomènes (voir les billets de mes blogs, où j'explique cela très amplement).
La gastronomie moléculaire étant une discipline spécifique des sciences quantitatives, la formation qu'il faut avoir est une formation dans cette discipline. Bien sûr, on peut se spécialiser en chimie (organique, analytique, etc.) ou en physique (matière molle, physique quantique, etc.), ou encore en physiologie sensorielle, mais il s'agira toujours d'apprendre à calculer, et d'être en mesure d'explorer les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des aliments. Autrement dit, dans tous les cas, il faudra viser une formation en sciences quantitatives (ce qui est abusivement nommé "sciences"), en vue d'entrer dans une université ou un institut de recherche (INRA, CNRS...). A noter que, pour bien faire ce métier, il faut absolument avoir des capacités de calcul fermement assurées, et du goût pour cela, puisque la science quantitative passe par le "nombrage" des phénomènes (voir les billets de mes blogs, où j'explique cela très amplement).
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de
cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
mercredi 11 septembre 2013
Voir plus loin que le bout de son nez, plus loin que son intérêt personnel égoïste
Ce matin, je reçois un message qui dit en substance :
bien à vous
Ne
serait-il pas urgent de trouver des solutions pour optimiser la
conservation des produits à humidité intermédiaire dans l’artisanat ,
pour l’industrie
En travaillant sur l’AW pour les formulations au lieu d’utiliser systématiquement des emballages qui polluent
La pâtisserie note à note est bien sur très inintéressante mais si lointaine des préoccupations du quotidien ?
Ce message a reçu la réponse suivante :
Merci de votre message.
Trouver des solutions pour optimiser la conservation des
produits à humidité intermédiaire ? Je ne crois pas que ce soit une
bonne solution de détourner la recherche scientifique et technologique publique dans cette direction, et il vaut mieux, pour le bien collectif, réorganiser
les circuits de production et de distribution, faire progresser la technologie pour éviter les
conservations... contre lesquelles les solutions seront toujours du même
type. On ne peut pas faire du "frais conservé", des carrés ronds !
Pour
ce qui concerne les emballages je vous renvoie à une séance
passionnante de l'Académie d'agriculture, consacrée aux emballages
actifs : ce ne sont pas des "emballages" qui polluent, comme vous le prétendez, mais au
contraire des emballages modernes, qui améliorent les produits.
La
pâtisserie note à note loin des préoccupations du quotidien ? De votre
quotidien personnel d'aujourd'hui, oui, (quoi que : regardez la cuisine
moléculaire), mais pas de celui de vos enfants. Personnellement, je me
préoccupe de ce qu'ils pourront avoir (ou non) à manger : voir la séance
publique de l'Académie d'agriculture de France, et le billet de blog
que je consacre à ce type de questions.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de
cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
Les séminaires de gastronomie moléculaire reprennent lundi prochain !
Chers Amis
Les séminaires de gastronomie moléculaire
reprennent lundi prochain, puisque ce prochain lundi est le 3e lundi du
mois de septembre. Nous explorerons l'intérêt (éventuel) de la
"sacrification" d'un peu de blanc en neige dans le chocolat fondu, lors
de la confection des mousses au chocolat (sachant que le chocolat
chantilly évite ce type de procédés, toutefois).
Le
rendez vous est fixé à 16 heures, au 4e étage de l'Ecole de cuisine
française du Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris, au
28 bis rue de l'abbé Grégoire, Paris 75006.
samedi 7 septembre 2013
Vive la technologie : cuisinons des liebig !
Une sorte de paradoxe que de faire l'éloge de
la technologie le dimanche, alors que la technologie est le métier de
l'ingénieur, dont le nom a la même étymologie qu' "engigner" : le
diable, raconte-t-on, engigna la mère de Merlin l'enchanteur, en vue de
faire un pendant à Jésus Christ, de faire un fils qui perdrait
l'humanité (mais un prêtre présent baptisa l'enfant à la naissance, de
sorte qu'il perdit sa "malice", ne gardant que des pouvoirs surnaturels.
Vive la technologie ? La technologie permet la réalisation de l'utopie qu'est la science quantitative. D'accord, mais plus précisément ?
La technologie, c'est l'activité qui cherche à appliquer les sciences quantitatives pour perfectionner les techniques. C'est un métier très particulier, et très extraordinaire puisqu'il transforme des connaissances en objets nouveaux du monde. Ces temps-ci, une partie frileuse du public refuse les avancées technologiques, les innovations techniques (et, même, frémit à l'idée que la science poursuive son travail). Pourtant ces mêmes frileux utilisent des ordinateurs, des voitures, prennent le train, l'avion, se brossent les dents avec des dentifrices dont ils ignorent tout de la constitution (pourtant bien perfectionnée par la technologie), portent des lunettes dont les verres sont des chefs-d'œuvre techniques...
Oublions donc ceux-là pour le moment et concentrons-nous sur la technologie. Elle doit être un état d'esprit, comme je vais essayer de le montrer avec un exemple personnel. Un exemple qui a l'inconvénient d'être personnel (pardon, le moi est haïssable), mais qui, de ce fait, a l'avantage d'être attesté (alors que beaucoup de ce que l'on entend est douteux, de seconde main, etc.).
Cela se passe dans les années 1980 : ayant compris que les protéines sont d'excellents tensioactifs, qui permettent donc de faire des émulsions, je vois une feuille de gélatine sur ma paillasse, au laboratoire. La gélatine ? C'est une matière faite de protéines. Peut-on donc faire une émulsion à partir d'eau, de gélatine et d'huile ? L'expérience n'est ni difficile ni longue, et la réponse est immédiatement donnée : on obtient une émulsion.
Toutefois on n'a pas fait là une grande découverte scientifique, et une saine méthode scientifique doit nous pousser à quantifier les phénomènes, en l'occurrence à caractériser quantitativement l'émulsion. Un microscope fut donc utilisé : apparurent des gouttelettes d'huiles dispersées dans l'eau. Sur de telles images, les molécules de gélatine n'apparaissent pas, évidemment, mais on sait (pour 1000 raisons chimiques) qu'elles sont soit aux interfaces, soit dissoutes dans l'eau. Où sont-elles ? Il faut passer du temps à cette question, répéter l'expérience, regarder, regarder encore et... ... soudain, on voit deux gouttelettes d'huile voisines fusionner, puis deux autres, deux autres, et ainsi de suite, mais contrairement à une coalescence telle qu'il s'en produirait si l'on avait fouetté de l'huile dans l'eau pure, la coalescence particulière des émulsions d'huile dans l'eau stabilisées par de la gélatine cesse de coalescer à partir un certain moment.
Voici l'état final :
Pourquoi ? Parce que l'émulsion est prise dans un gel physique.
Une émulsion prise dans un gel physique ? Et si l'on en faisait de la cuisine ? Cela, c'est mon invention des « liebigs » (du nom du chimiste allemand Justus von Liebig, évidemment).
Remplaçons l'eau par un liquide qui a du goût, ajoutons de la gélatine, ou tout autre composé qui permettra à la fois une émulsification et une gélification physique, utilisons de l'huile ou tout autre corps gras sous forme liquide, et nous pourrons reproduire l'expérience, obtenir une espèce de sauce nommée liebig, un nouveau système, tout comme l'ont été mayonnaise, crème fouettée, parmentier, caramel, etc..
Moralité : les liebigs sont une préparation nouvelle, maintenant bien comprise, fruit d'un transfert technologique. Il résulte de ce moment particulier où l'on s'est demandé : "et en cuisine, qu'est-ce que cela donnerait ?" Ce moment particulier n'est pas un moment scientifique, mais un moment technologique.
Vive la technologie !
Vive la technologie ? La technologie permet la réalisation de l'utopie qu'est la science quantitative. D'accord, mais plus précisément ?
La technologie, c'est l'activité qui cherche à appliquer les sciences quantitatives pour perfectionner les techniques. C'est un métier très particulier, et très extraordinaire puisqu'il transforme des connaissances en objets nouveaux du monde. Ces temps-ci, une partie frileuse du public refuse les avancées technologiques, les innovations techniques (et, même, frémit à l'idée que la science poursuive son travail). Pourtant ces mêmes frileux utilisent des ordinateurs, des voitures, prennent le train, l'avion, se brossent les dents avec des dentifrices dont ils ignorent tout de la constitution (pourtant bien perfectionnée par la technologie), portent des lunettes dont les verres sont des chefs-d'œuvre techniques...
Oublions donc ceux-là pour le moment et concentrons-nous sur la technologie. Elle doit être un état d'esprit, comme je vais essayer de le montrer avec un exemple personnel. Un exemple qui a l'inconvénient d'être personnel (pardon, le moi est haïssable), mais qui, de ce fait, a l'avantage d'être attesté (alors que beaucoup de ce que l'on entend est douteux, de seconde main, etc.).
Cela se passe dans les années 1980 : ayant compris que les protéines sont d'excellents tensioactifs, qui permettent donc de faire des émulsions, je vois une feuille de gélatine sur ma paillasse, au laboratoire. La gélatine ? C'est une matière faite de protéines. Peut-on donc faire une émulsion à partir d'eau, de gélatine et d'huile ? L'expérience n'est ni difficile ni longue, et la réponse est immédiatement donnée : on obtient une émulsion.
Toutefois on n'a pas fait là une grande découverte scientifique, et une saine méthode scientifique doit nous pousser à quantifier les phénomènes, en l'occurrence à caractériser quantitativement l'émulsion. Un microscope fut donc utilisé : apparurent des gouttelettes d'huiles dispersées dans l'eau. Sur de telles images, les molécules de gélatine n'apparaissent pas, évidemment, mais on sait (pour 1000 raisons chimiques) qu'elles sont soit aux interfaces, soit dissoutes dans l'eau. Où sont-elles ? Il faut passer du temps à cette question, répéter l'expérience, regarder, regarder encore et... ... soudain, on voit deux gouttelettes d'huile voisines fusionner, puis deux autres, deux autres, et ainsi de suite, mais contrairement à une coalescence telle qu'il s'en produirait si l'on avait fouetté de l'huile dans l'eau pure, la coalescence particulière des émulsions d'huile dans l'eau stabilisées par de la gélatine cesse de coalescer à partir un certain moment.
Voici l'état final :
Pourquoi ? Parce que l'émulsion est prise dans un gel physique.
Une émulsion prise dans un gel physique ? Et si l'on en faisait de la cuisine ? Cela, c'est mon invention des « liebigs » (du nom du chimiste allemand Justus von Liebig, évidemment).
Remplaçons l'eau par un liquide qui a du goût, ajoutons de la gélatine, ou tout autre composé qui permettra à la fois une émulsification et une gélification physique, utilisons de l'huile ou tout autre corps gras sous forme liquide, et nous pourrons reproduire l'expérience, obtenir une espèce de sauce nommée liebig, un nouveau système, tout comme l'ont été mayonnaise, crème fouettée, parmentier, caramel, etc..
Moralité : les liebigs sont une préparation nouvelle, maintenant bien comprise, fruit d'un transfert technologique. Il résulte de ce moment particulier où l'on s'est demandé : "et en cuisine, qu'est-ce que cela donnerait ?" Ce moment particulier n'est pas un moment scientifique, mais un moment technologique.
Vive la technologie !
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
(un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de
cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
De: "christelle xxxx"
À: "Hervé THIS"
Envoyé: Dimanche 8 Septembre 2013 01:15:06
Objet: recherche de recettes expliquées sur internet
À: "Hervé THIS"
Envoyé: Dimanche 8 Septembre 2013 01:15:06
Objet: recherche de recettes expliquées sur internet
bonjour,
je souhaiterais faire des recettes traditionnelles en sachant ce qui se passe chimiquement et physiquement
bon dimanche
je souhaiterais faire des recettes traditionnelles en sachant ce qui se passe chimiquement et physiquement
merci
Voici la réponse qui a été faite :
bonjour
En réponse à votre demande, je peux vous signaler :
- les comptes rendus des séminaires de gastronomie moléculaire, où, chaque mois, nous explorons une recette :
https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/vive-la-connaissance-produite-et-partagee/animation-scientifique/comptes-rendus-des-seminaires-inra-de-gastronomie-moleculaire
- mon site, https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/, où
il y a des milliers de pages, dont certaines pourront vous intéresser
(vous y trouverez notamment des vidéos, des podcasts, les CR des
séminaires
- surtout mon livre Révélations gastronomiques, où je décortique des recettes classiques.
A
venir, dans les mois qui viennent, un livre "Explorer la cuisine", qui
correspond au Cours de gastronomie moléculaire présent en podcast sur le
site d'AgroParisTech, ainsi qu'un autre livre, bien plus amusant... et
qui est encore un secret !
PS. Si vous voulez recevoir régulièrement les comptes rendus des séminaires de gastronomie moléculaire, il suffit de me demander d'ajouter votre email sur la liste de distribution.
mardi 3 septembre 2013
Le constructivisme culinaire
Nouvelle cuisine, cuisine moléculaire, cuisine
note à note... Voilà des tendances, plus ou moins durables, des
courants qui animent ou animeront la cuisine. Ces dernières décennies,
j'en ai proposé plusieurs qui n'ont pas eu de succès, sans doute parce
que les temps n'étaient pas mûrs, que la difficulté était trop grande.
Par exemple, le constructivisme culinaire : cette affaire repose sur l'observation selon laquelle une gelée d'agrumes posée sur du saumon fumé fait un plat moins frais, en fin de dégustation que du saumon fumé posé sur une gelée d'agrumes.
Observons d'ailleurs que les nappage des gâteaux sont souvent ainsi construits, avec la gelée par-dessus. Et si c'était une erreur ? Évidemment, dans le cas des gâteaux, ce que l'on veut, c'est faire une couche brillante en surface, le nappage s'impose par-dessus, mais le goût ?
Autre exemple, la présence de quelques brins d'un aromate tel que la ciboulette, le persil, le cerfeuil, le basilic, au-dessus d'un plat. Ces brins n'ont pas seulement une fonction décorative, et il suffit de faire l'expérience de goûter pour s'apercevoir qu'ils forcent à mastiquer longuement, et, donc, qu'ils augmentent goût.
En substance, c'est cela le constructivisme culinaire : construire le plat, en vue d'effets gustatifs particuliers.
On dira que toute la cuisine est ainsi conçue ? Non ! Le plus souvent, la cuisine n'est que l'exécution de recettes, et l'on aurait bien intérêt à réviser toutes ces dernières selon l'idée du constructivisme culinaire.
Une choucroute ? Ce n'est généralement qu'une accumulation. Un cassoulet ? Idem. Pourquoi ne pas faire mieux, pourquoi ne pas conserver les éléments et construire ?
Car derrière l'idée du constructivisme culinaire, il y a cette idée essentielle selon laquelle le construit est « bon », parce qu'il signale aux mangeurs qu'on s'est préoccupé d'eux. On leur dit « je t'aime » : n'est ce pas suffisant pour qu'il pense qu'il y a de la beauté ?
Et c'est ainsi que je propose cette hypothèse : le beau serait-il le construit ? Regardons maintenant autour de nous : les arbres, les rues, les moindres éléments de notre environnement... Sont-ils beaux ? En voyons nous la construction ?
Par exemple, le constructivisme culinaire : cette affaire repose sur l'observation selon laquelle une gelée d'agrumes posée sur du saumon fumé fait un plat moins frais, en fin de dégustation que du saumon fumé posé sur une gelée d'agrumes.
Observons d'ailleurs que les nappage des gâteaux sont souvent ainsi construits, avec la gelée par-dessus. Et si c'était une erreur ? Évidemment, dans le cas des gâteaux, ce que l'on veut, c'est faire une couche brillante en surface, le nappage s'impose par-dessus, mais le goût ?
Autre exemple, la présence de quelques brins d'un aromate tel que la ciboulette, le persil, le cerfeuil, le basilic, au-dessus d'un plat. Ces brins n'ont pas seulement une fonction décorative, et il suffit de faire l'expérience de goûter pour s'apercevoir qu'ils forcent à mastiquer longuement, et, donc, qu'ils augmentent goût.
En substance, c'est cela le constructivisme culinaire : construire le plat, en vue d'effets gustatifs particuliers.
On dira que toute la cuisine est ainsi conçue ? Non ! Le plus souvent, la cuisine n'est que l'exécution de recettes, et l'on aurait bien intérêt à réviser toutes ces dernières selon l'idée du constructivisme culinaire.
Une choucroute ? Ce n'est généralement qu'une accumulation. Un cassoulet ? Idem. Pourquoi ne pas faire mieux, pourquoi ne pas conserver les éléments et construire ?
Car derrière l'idée du constructivisme culinaire, il y a cette idée essentielle selon laquelle le construit est « bon », parce qu'il signale aux mangeurs qu'on s'est préoccupé d'eux. On leur dit « je t'aime » : n'est ce pas suffisant pour qu'il pense qu'il y a de la beauté ?
Et c'est ainsi que je propose cette hypothèse : le beau serait-il le construit ? Regardons maintenant autour de nous : les arbres, les rues, les moindres éléments de notre environnement... Sont-ils beaux ? En voyons nous la construction ?
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces
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