dimanche 27 août 2017

Une brioche à tête

A quoi bon une recette de plus sur internet ? D'autant que, contrairement à des sites qui présentent des vidéos, je ne publie généralement que des textes, parfois agrémentés d'image.
Mais on se souvient peut-être que j'ai discuté les recettes de brioche et je m'aperçois que la diversité des proportions n'est pas la seule possiblité d'étonnement.

Considérons la recette suivante :
190 g de farine
20 g de sucre
3 oeufs
1 cuillerée à café de sel
150 g de beurre
5 g de levure
On pétrit jusqu'à consistance fine : pour vérifier si elle est suffisamment pétrie, il faut pouvoir la soulever d’une main sans qu’elle ne se déchire. Puis on laisse pousser à température tiède. fermentation. On rabat, avant une deuxième fermentation. Puis on divise en deux parties, avec trois quarts de la préparation d'un côté, et un quart de l'autre. On fait une boule de la plus grosse partie, et on la place dans un moule beurré. Puis on fait un trou au centre de cette boule, et l'on plante la seconde partie pour faire la tête. On laisse pousser, et, quand c'est prêt, on coupe les bords de la grosse boule aux ciseaux, on couvre de dorure (oeuf entier battu), et l'on cuit : 10 minutes à 200 degrés, puis 30 minutes à 180 degrés.

 Tout cela se comprend bien, et le résultat est intéressant, mais la question du jour concerne le beurre : certains l'ajoutent d'un coup, et d'autres par "petits morceaux", ou "petit à petit", mais y a-t-il une différence ?

dimanche 20 août 2017

Un gâteau sans four ?

Un correspondant veut faire un gâteau, mais il manque d'un four.




Un gâteau ? Le mot dérive de "goût", mais il est convenu de dire qu'il s'agit d'une pièce de quelque importance (un objet à partager, par exemple), d'un volume notable. On convient de nommer "gâteau" tout aussi bien un quatre quarts qu'un bavarois, ou encore un "gâteau de foie blonds". Dans l'acception du baravois, on voit qu'aucun four n'est nécessaire. Mais si l'on interprète la question trop imprécise de notre ami, il s'agirait plutôt de gâteau où une gélification chimique plutôt que chimique soit responsable de la tenue. J'explique.

La gélafication, tout d'abord, c'est la transformation d'un liquide en un solide, en raison de l'établissement d'un réseau dans toute la masse initialement liquide. Ce réseau est comme un échaffaudage qui structure la  masse et dont les liaisons avec le liquide le font tenir dans la masse.
De ce point de vue, la différence entre la gélification physique et la gélification chimique tient essentiellement à l'énergie des liaisons entre les éléments constitutifs du réseau : par exemple, pour un gel de gélatine, gélifié physiquement, les protéines se rassemblent par leurs extrémités, par des forces chimiques faibles, tandis que, pour la cuisson d'un oeuf, qui est une gélification chimique, les protéines établissent des forces plus fortes, nommées "ponts disulfure".
Parenté absolue, donc, entre les deux gélifications, car l'échelle des énergies de liaison est continue : il n'y a pas de séparation brusque entre ce que l'on nomme forces "faibles" et forces "fortes", seulement une convention qui veut que, sur une échelle de 0 à 100, les forces de 0 à 10, les forces soient considérées comme faibles, et fortes au-dessus de 50. Mais je dois ajouter honnêtement que la convention est fondée sur l'énergie d'agitation thermique : aux températures ambiantes, les forces faibles peuvent être rompues, alors que les forces dites fortes ne le sont pas. Par exemple, un gel de gélatine tient jusqu'à environ 36 degrés, mais un gel d'oeuf coagulé tient jusqu'à la décomposition des molécules, environ (même si les ponts disulfures sont "labiles", mais c'est une complication dans laquelle je ne veux pas rentrer ici, par souci de simplicité).



Oublions tout cela, et revenons donc aux gâteaux qui s'établissent par gélification chimique. En réalité, il suffit, pour provoquer cette gélification, de chauffer.

Et je me souviens donc du pain que je cuisais dans une cocotte minute, en bateau : la pâte à cuire était placée dans le panier à vapeur suspendu. Certes, la température n'atteignait pas les 180 degrés d'un four, mais elle suffisait à provoquer la cuisson. De même pour des quatre quarts, qui manquaient certes de la croûte croustillante, mais qui faisaient quand même d'appréciables gâteaux. Aurions-nous voulu une croûte qu'il aurait fallu ensuite chauffer les gâteaux sur la flamme, directement.

Dans les bateaux, nous n'avions pas de four à micro-ondes, mais c'est là une autre ressource quand on est à terre. Et là, pourquoi ne pas faire la croûte au pistolet décape peinture ?

Et puis, on peut aussi cuire à la poêle : la chaleur introduite par conduction met longtemps à atteindre l'intérieur des pièces épaisses, mais à feu doux, on y arrive !

samedi 19 août 2017

A propos d'osmose

L'osmose ?

Voici ce que je viens d'ajouter sur le Glossaire des métiers de bouche du site AgroParisTech

OSMOSE :
Phénomène correspondant à un échange de matière entre deux solutions différentes séparées par une membrane semi-perméable.Par exemple, une fois que l’on a dissout la coquille d’un oeuf par du vinaigre, l’eau s’échange entre l’intérieur (principalement une solution à 10 pour cent de protéines) et l’extérieur (principalement une solution à environ 6 pour cent d’acide acétique), et l’oeuf gonfle par osmose.
A noter qu’il est fautif de dire que l’eau passe du milieu le plus concentré vers le milieu le moins concentré, car l’osmose conduit à un équilibre, où l’eau s’échange en permanence, de façon équilibrée ; c’est un flux total qui fait gonfler l’oeuf.
On peut aussi montrer l’osmose en faisant de petits puits dans une pomme de terre, et en plaçant dans ces puits soit de l’eau pure, soit du sel : dans les puits où l’on a mis de l’eau pure, celle-ci est absorbée ; en revanche, dans les puits avec du sel, l’eau du tissu végétal sort, et vient dissoudre le sel.


Cela fait écho à l'article que je publie sur le site des Nouvelles Gastronomiques de Paris, où mon texte est le suivant :

L'osmose ?
L'osmose ? On l'a vue évoquer fautivement (avec des confusions avec la diffusion moléculaire, avec la capillarité, ou simplement par des définitions fausses) quand on enseignait la théorie fausse de la « cuisson par expansion ».
Cette théorie périmée et fautive de la cuisson prétendue par expansion désignait les opérations de production de bouillon de viande ou de pochage des poissons, par exemple. Il faut observer que la théorie a été supprimée du référentiel du CAP, pour plusieurs raisons :
- le tissu animal ne se dilate pas dans ces cuissons, mais il se contracte… exactement comme dans les cuissons qui étaient fautivement nommées « par concentration » (dénomination également supprimée du référentiel, et fausse, puisqu'il n'y a pas de concentration)
- c'est surtout de l'eau qui quitte le tissu animal et part dans le milieu liquide environnant, emportant sans doute des composés du réseau sanguin (notamment des protéines variées, surtout de type « albumine sérique »),  des fluides intersticiels.
Cela étant, examinons ce qu'est vraiment l'osmose : c'est un mouvement de matière entre deux solutions séparées par une membrane semi-perméable. Par exemple, quand on met un œuf dans du vinaigre, le vinaigre commence par dissoudre la coquille, puis l'oeuf grossit, par « osmose », parce que l'eau migre à travers la membrane qui délimite l'oeuf, et comme le flux entrant est supérieur au flux sortant (l'eau qui est à l'intérieur vient se lier aux protéines du blanc), le mouvement total d'eau est en faveur de l'entrée.
Ce type de phénomènes se retrouve quand on met des fruits dans un sirop trop léger (les fruits gonflent jusqu'à éclater) ou trop concentré (les fruits se ratatinent). En revanche, il est négligeable dans les cuissons évoquées précédemment, parce que, pour ces cuissons, la contraction des tissus végétaux résulte de la « dénaturation » du tissu collagénique, ce qui signifie que l'enveloppe des fibres musculaires, ou le tissu qui lie les fibres musculaires entre elles, se désorganise, et, en se contractant, expulse les jus, comme on expulserait de l'eau d'une éponge en la pressant. Ce phénomène a d'ailleurs lieu qu'il y ait ou non coagulation des protéines de la surface. 


mardi 15 août 2017

Lisons les étiquettes

Un journal propose d'expliquer les étiquettes des produits alimentaires. C'est évidemment louable : autant ne pas manger n'importe quoi.
Ce qui est moins bien, c'est le commentaire que fait ce site, selon lequel tout additif ou tout arôme serait une forfanterie de l'industrie alimentaire*, une quasi volonté d'intoxiquer les "consommateurs". J'ai peur que nos amis n'aient pas bien compris la nature de ces produits, et que le journal ne vende une fois de plus de la peur. Oui, il est légitime de savoir ce que nous mangeons, mais non, il n'est pas bon de croire que tout ce que vend l'industrie est mauvais. D'ailleurs, si l'on compare l'industrie et l'artisanat*, il n'est pas certain que celui que l'on croit le meilleur le soit vraiment, car les règles d'hygiène ou de sécurité sanitaire ne sont pas appliquées avec peut-être assez de rigueur... quand elles sont connues et appliquées : je me souviens de saucisses fumées, au Concours général agricole, qui emportaient la bouche par leur fumage, et j'ai l'impression qu'un dosage des benzopyrènes cancérogènes, dans ces produits, aurait conduit à leur interdiction.
Interdiction qui n'aurait peut-être pas été légitime : cessons d'avoir peur de tout ce que nous mangeons, surtout, que cela vienne de l'artisanat (il y a du bon et du mauvais) ou de l'industrie (il y a du bon et du mauvais).

Les étiquettes, pour y revenir ? Oui, lisons-les... sans oublier que, à la première occasion venue, ce sera le sucre et le gras, plus l'alcool, qui fixeront nos choix. Je reste choqué par un de mes séminaires où, ayant montré que des frites non épongées contenaient un demi gramme d'huile de plus (par frite !) que des frites épongées, une dégustation fit préférer les frites les plus grasses aux dégustateurs !
Oui, nous disons vouloir manger sainement, mais nous ne résistons pas aux charcuteries, fromages, chocolat, foie gras quand nous en avons les moyens. Nous cédons à la tentation des fritures... et certains d'entre nous ajoutent même de la mayonnaise (95 pour cent d'huile !) pour les agrémenter.


Alors, lire les étiquettes ? Faisons-le afin de savoir ce que nous mangeons, sans craindre ce qu'elles indiquent. Et puis, si nous ne sommes pas contents des produits dont nous lisons le contenu, ne les achetons pas : c'est une règle si simple.


* On se souvient que je déteste les généralisations abusives : il y a des bonnes industries et de mauvaises, de bons artisans et de mauvais !

Récoltes de mirabelles

Alors que les arbres sont chargés de mirabelles, qui tombent une à une, chaque minute, il devient urgent d'en faire usage : sorbets, tartes, clafoutis, confitures... mais pourquoi pas, aussi, des mirabelles au sirop en prévision de salades de fruit hivernales ?

Cela semble tout simple : les fruits, de l'eau, du sucre... mais il y a le double écueil des fruits qui se ratatinent ou qui éclatent dans le bocal, gonflés du sirop.  Pour bien faire, il faut un sirop ayant la même "force en sucre" que les fruits. Comment le faire ?

Je vous propose de faire un essai, dans un verre, avec quelques fruits. Si les fruits flottent, c'est que le sirop est trop concentré, et il faut lui ajouter de l'eau, mais si les fruits tombent au fond du verrre, le sirop est trop léger.
En pratique, préparez un sirop un peu trop concentré, emplissez-en le bol jusqu'au niveau des fruits, puis ajoutez un peu d'eau pour voir l'ensemble des fruits commencer à redescendre. 

Tout simple, n'est-ce pas ?

lundi 7 août 2017

Des brioches

Une bonne brioche ?

Il y a mille recettes différentes, mais voici :

250 à 400 g de farine
30 à 60 g de sucre semoule
1 cuillerée à café de sel fin
10 g de levure fraîche dans un fond de lait
3 œufs
150 à 180 g de beure

Pourquoi une telle imprécision ? Parce que la farine, même quand elle est d'un "type" particulier (45, 60...), peut "prendre" plus ou moins le liquide, d'autant que  tout change avec la température.
Le sucre ? Là encore, il y a une question de goût.
La levure ? Il en suffit de peu, car elle prolifère, chaque cellule en engendrant deux, qui en engendrent deux, et ainsi de suite, produisant simultanément ce dioxyde de carbone gazeux qui fait gonfler la brioche.
Les oeufs : la précision n'est qu'apparente, car, en réalité, on n'a pas stipulé quelle taille d'oeufs. Gros ? moyens ? petits ?
Enfin, le beurre : là aussi, il y a des variations possibles, qui dépendent aussi de celles de la quantité de farine.

Bref, à moins d'être professionnel, d'avoir toujours le même fournisseur de farine, des oeufs calibrés, une pièce thermostatée, les variations seront constantes... et cela aura la vertu que nous hôtes pourront discuter à l'infini des vertus de telle brioche, par rapport aux précédentes.

Reste le protocole :
- mélanger les ingrédients
- bien travailler
- faire gonfler
- rabattre
- diviser la pâte en deux parties : 1/4 et 3/4
- prendre les 3/4 et en faire un boudin dont on fait un tore (cylindre refermé sur lui même, comme un pneu) et le mettre en moule beurré
- ajouter le 1/4 en boule, sur le centre du boudin
- laisser pousser à nouveau pendant 2 heures
- dorer la surface supérieure avec jaune d'oeuf et, éventuellement, un peu de lait
- cuire 40 minutes à 170 degrés.

A gueter, comme on dit en Alsace !


PS. J'y pense : dans mon prochain livre, à paraître aux éditions de la Nuée  bleue, le 5 octobre, il y  aura... surprise !