Je vois hélas trop de collègues utiliser des pipettes de précision et croire que ce sont des outils scientifiques précis. Débattons-en !
Sur un document de constructeur, par exemple, je lis qu'il est dit que l'imprécision atteint 5 %... mais même avec une procédure bien maîtrisée, je crois que l'on ne peut guère attendre mieux. Et puis, quelle complication !
Il est ainsi recommandé de bien immerger le cône : "Si le cône est immergé trop profondément, la pipette aspirera davantage de liquide en raison d'une pression plus forte. Le liquide résiduel à la surface du cône peut affecter les résultats."
On le voit : même les constructeurs admettent sur le système est mauvais, d'autant que "trop profondément" : c'est combien ?
Puis je lis encore : "Lors de la pression et de la libération du piston, il est essentiel de maintenir un rythme, une vitesse et une technique de pipetage constants". Le constructeur admet que la précision peut se dégrader de 5 % avec une vitesse non constante !
Puis, l'angle d'immersion, est sans doute la pire des questions : "Gardez l'angle d'immersion aussi proche que possible de la position verticale, afin d'éviter que la colonne de liquide soit plus petite". Il faut un angle de 20 °... mais des tests avec des étudiants montrent que les 20 ° sont facilement 45 °!!!!!
Et j'en passe.
La conclusion s'impose : par principe, la technique de pipetage est fautive, et ne peut être raisonnablement être utilisée que pour de petites quantités... qui seront PESEES!!!!
Il faut le dire et le redire : on ne peut être précis que si l'on pèse, et il faut absolument enseigner très tôt à peser, pas à pipeter.
lundi 14 mars 2011
Etalons primaires, secondaires, tertiaires...
Dans La Sagesse du chimiste (L'oeil 9, Paris, 2008), je discute la question de la difficulté des déterminations expérimentales : pour faire correctement une simple mesure de température, on ne peut se contenter de plonger un thermomètre dans un liquide, et il faut :
- s'assurer que le thermomètre est "raisonnable" (étalonnage régulier, certifié)
- vérifier que le thermomètre raisonnable n'a pas dévié depuis la dernière vérification, par l'usage d'un bain de glace fondante et d'eau bouillante (deux points au minimum, et dans la gamme d'intérêt)
De même, pour peser "raisonnablement", il faut :
- vérifier que la balance a été vérifiée
- vérifier que la balance est d'aplomb, et régler le niveau à bulle
- faire un zéro propre
- vérifier la balance avec un étalon.
Cet étalon ne peut être celui du Pavillon de Breteuil, bien sûr, mais il peut être un étalon secondaire, contrôlé à partir de celui de Sèvres.
Toutefois, l'usage d'un tel étalon secondaire risque de l'user, et il vaut sans doute mieux utiliser un étalon tertiaire, comparé à l'étalon secondaire dont on dispose, ou bien un étalon du quatrième rang, comparé à un étalon tertiaire.
C'est seulement ensuite que l'on pourra peser (trois fois au minimum, pour disposer d'une moyenne et d'un écart type) !
Mais c'est ainsi que la Chimie est belle, quand les mesures sont bien faites, car il est bien vrai que "données expérimentales mal acquises ne profitent à personne".
Vive la chimie
- s'assurer que le thermomètre est "raisonnable" (étalonnage régulier, certifié)
- vérifier que le thermomètre raisonnable n'a pas dévié depuis la dernière vérification, par l'usage d'un bain de glace fondante et d'eau bouillante (deux points au minimum, et dans la gamme d'intérêt)
De même, pour peser "raisonnablement", il faut :
- vérifier que la balance a été vérifiée
- vérifier que la balance est d'aplomb, et régler le niveau à bulle
- faire un zéro propre
- vérifier la balance avec un étalon.
Cet étalon ne peut être celui du Pavillon de Breteuil, bien sûr, mais il peut être un étalon secondaire, contrôlé à partir de celui de Sèvres.
Toutefois, l'usage d'un tel étalon secondaire risque de l'user, et il vaut sans doute mieux utiliser un étalon tertiaire, comparé à l'étalon secondaire dont on dispose, ou bien un étalon du quatrième rang, comparé à un étalon tertiaire.
C'est seulement ensuite que l'on pourra peser (trois fois au minimum, pour disposer d'une moyenne et d'un écart type) !
Mais c'est ainsi que la Chimie est belle, quand les mesures sont bien faites, car il est bien vrai que "données expérimentales mal acquises ne profitent à personne".
Vive la chimie
Ne soyons pas avare de travail et d'intelligence!
Ce matin, un message amical d'un étudiant en technologie alimentaire qui veut "formuler" des sauces, et, notamment, remplacer le jaune d'oeuf par la mayonnaise par un autre tensioactif.
Jusque là, rien de particulier... sauf qu'il prétend conserver le nom de "mayonnaise" à la sauce obtenue.
Stop ! Une mayonnaise, c'est du jaune d'oeuf, du vinaigre, de l'huile (et si possible de l'huile d'Aix), du sel et du poivre.
Si l'on remplace le jaune d'oeuf par autre chose, on aura une autre sauce, de même qu'une mayonnaise additionnée de moutarde perd son statut de mayonnaise pour prendre celui de rémoulade.
Avec du blanc d'oeuf, du vinaigre, de l'huile, on fait une émulsion que j'ai nommée "geoffroy".
Pour toute autre variation, pour laquelle on aura un résultat gustativement différent, il faut aussi un autre nom. A celui qui fait la modification de proposer le nom qu'il veut, comme pour la dénomination des espèces animales ou végétales, par exemple.
En tout cas, ce serait la porte ouverte à la fraude, au frelatage, que de conserver le nom de mayonnaise à ce qui n'en est pas.
Jusque là, rien de particulier... sauf qu'il prétend conserver le nom de "mayonnaise" à la sauce obtenue.
Stop ! Une mayonnaise, c'est du jaune d'oeuf, du vinaigre, de l'huile (et si possible de l'huile d'Aix), du sel et du poivre.
Si l'on remplace le jaune d'oeuf par autre chose, on aura une autre sauce, de même qu'une mayonnaise additionnée de moutarde perd son statut de mayonnaise pour prendre celui de rémoulade.
Avec du blanc d'oeuf, du vinaigre, de l'huile, on fait une émulsion que j'ai nommée "geoffroy".
Pour toute autre variation, pour laquelle on aura un résultat gustativement différent, il faut aussi un autre nom. A celui qui fait la modification de proposer le nom qu'il veut, comme pour la dénomination des espèces animales ou végétales, par exemple.
En tout cas, ce serait la porte ouverte à la fraude, au frelatage, que de conserver le nom de mayonnaise à ce qui n'en est pas.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue :
Le terroir à toutes les sauces (un
traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de
recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que
nous construit la cuisine)
Libellés :
dénomination,
mayonnaise,
sauces
dimanche 13 mars 2011
Etalons secondaires, tertiaires, etc.
Et si l'on cessait enfin d'enseigner la mesure des volumes, dans l'Education nationale ?
Une éprouvette graduée, même avec un bon maniement du ménisque, c'est une précision (je fixe les idées) de environ 0,1 mL quand on mesure 5 ml, soit 1/50. Pas terrible... d'autant il faut compter avec la dilatation du verre, qui augmente considérablement l'imprécision des mesures. Par exemple, avec des fioles de précision, faites d'un gros ventre et d'un tube supérieur étroit, on voit des dénivélations qui atteignent quelques centimètres quand la température varie de 5 à 10 °C.
Si l'on utilise une balance de précision, par exemple précise à 0,001 grammes près (je suis pessimiste pour essayer de convaincre, car notre laboration a bien mieux), alors on pèsera environ 5 g, avec une précision de 0,001 g, soit un rapport de 0,0002.
Alors, pourquoi faire mal quand on peut faire bien. Et ne doit-on pas plutôt habituer les étudiants à de bonnes pratiques ? Merci de m'aider à convaincre l'Inspection générale !
Une éprouvette graduée, même avec un bon maniement du ménisque, c'est une précision (je fixe les idées) de environ 0,1 mL quand on mesure 5 ml, soit 1/50. Pas terrible... d'autant il faut compter avec la dilatation du verre, qui augmente considérablement l'imprécision des mesures. Par exemple, avec des fioles de précision, faites d'un gros ventre et d'un tube supérieur étroit, on voit des dénivélations qui atteignent quelques centimètres quand la température varie de 5 à 10 °C.
Si l'on utilise une balance de précision, par exemple précise à 0,001 grammes près (je suis pessimiste pour essayer de convaincre, car notre laboration a bien mieux), alors on pèsera environ 5 g, avec une précision de 0,001 g, soit un rapport de 0,0002.
Alors, pourquoi faire mal quand on peut faire bien. Et ne doit-on pas plutôt habituer les étudiants à de bonnes pratiques ? Merci de m'aider à convaincre l'Inspection générale !
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balance,
liquide,
pesée,
précisions
mardi 8 mars 2011
Prochaine réunion du Groupe d'étude des précisions culinaires
Chers Amis
Après notre merveilleuse session qui s'est tenue sur le Stand d'AgroParisTech, au Salon de l'agriculture, notre Groupe d'étude des précisions culinaires reprend ses quartiers à l'ESCF (Merci!) du Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris.
Pour ceux qui n'ont pu nous rejoindre, nous présenterons donc les résultats lors de la prochaine séance, mais également, nous explorerons deux questions :
1. Bernard Loiseau, chef de La côte d’or, à Saulieu, indique dans Trucs, astuces et tours de main, p. 103, que, pour éviter que l'huile d'une fondue bourguignonne ne saute quand on y plonge la viande, il faut “y mettre une belle queue de persil”. PD Cécillon signale que épouse fait de même quand elle cuit du foie de veau.
2. Il a été souvent écrit que le sel durcit les légumes secs.
Dans les deux cas, il faut trancher définitivement. Au plaisir, donc, de vous retrouver au 28 bis rue de l'Abbé Grégoire, 75006 Paris, le lundi 21 mars de 16 à 18 heures.
Vive la gourmandise éclairée
Après notre merveilleuse session qui s'est tenue sur le Stand d'AgroParisTech, au Salon de l'agriculture, notre Groupe d'étude des précisions culinaires reprend ses quartiers à l'ESCF (Merci!) du Centre Jean Ferrandi de la Chambre de commerce de Paris.
Pour ceux qui n'ont pu nous rejoindre, nous présenterons donc les résultats lors de la prochaine séance, mais également, nous explorerons deux questions :
1. Bernard Loiseau, chef de La côte d’or, à Saulieu, indique dans Trucs, astuces et tours de main, p. 103, que, pour éviter que l'huile d'une fondue bourguignonne ne saute quand on y plonge la viande, il faut “y mettre une belle queue de persil”. PD Cécillon signale que épouse fait de même quand elle cuit du foie de veau.
2. Il a été souvent écrit que le sel durcit les légumes secs.
Dans les deux cas, il faut trancher définitivement. Au plaisir, donc, de vous retrouver au 28 bis rue de l'Abbé Grégoire, 75006 Paris, le lundi 21 mars de 16 à 18 heures.
Vive la gourmandise éclairée
Libellés :
gastronomie moléculaire,
séminaire
mercredi 2 mars 2011
Ne confondons pas
Généralement, les confusions résultent de la paresse (on n'a pas cherché le sens des mots suffisamment) ou de la malhonnêteté de ceux qui veulent nous vendre de l'idéologie ou des produits.
Par exemple, le mot "arôme".
Sa définition est : l'odeur d'une plante aromatique, d'un aromate.
Pourtant, une certaine acception (moderne, et que je vous invite à combattre) est " une préparation qui permet de donner du goût aux aliments".
Le double sens du mot, possibilité de tromperie, a légitimement fait peur au public, qui ne veut pas "d'arômes" dans ses aliments. Il serait temps que la législation française abandonne donc la possibilité pour les industriels d'utiliser ce mot.
D'autant que des collègues scientifiques s'y mettent, et que, là encore, c'est le caillon. Pour certains, c'est l'odeur des aliments, pour d'autres, c'est l'odeur rétronasale (oui, les molécules odorantes (vous voyez, je n'utilise pas le mot "aromatique", parce qu'il y aurait une confusion supplémentaire avec la chimie, qui nomme aromatique des molécules qui vérifient la règle de Hückel, mais c'est une autre histoire) remontent vers le nez, par des canaux à l'arrière de la bouche, quand on mange.
Bref, ne soyons pas paresseux : inventons des mots nouveaux pour des concepts nouveaux!
Par exemple, le mot "arôme".
Sa définition est : l'odeur d'une plante aromatique, d'un aromate.
Pourtant, une certaine acception (moderne, et que je vous invite à combattre) est " une préparation qui permet de donner du goût aux aliments".
Le double sens du mot, possibilité de tromperie, a légitimement fait peur au public, qui ne veut pas "d'arômes" dans ses aliments. Il serait temps que la législation française abandonne donc la possibilité pour les industriels d'utiliser ce mot.
D'autant que des collègues scientifiques s'y mettent, et que, là encore, c'est le caillon. Pour certains, c'est l'odeur des aliments, pour d'autres, c'est l'odeur rétronasale (oui, les molécules odorantes (vous voyez, je n'utilise pas le mot "aromatique", parce qu'il y aurait une confusion supplémentaire avec la chimie, qui nomme aromatique des molécules qui vérifient la règle de Hückel, mais c'est une autre histoire) remontent vers le nez, par des canaux à l'arrière de la bouche, quand on mange.
Bref, ne soyons pas paresseux : inventons des mots nouveaux pour des concepts nouveaux!
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