dimanche 22 juin 2014
Il y a brunissement et brunissement
Depuis la publication des Secrets de la casserole, en 1992, le monde culinaire s'est emparé des réactions de Maillard, que j'avais alors présentées, mises à l'honneur, considérant qu'il était indécent d'oublier ce chimiste nancéien Louis Camille Maillard, vue l'importance de la découverte qu'il avait faite pour la gastronomie moléculaire, en 1912.
Les réactions de Maillard se sont donc popularisées, et je rencontre même, aujourd'hui, des cuisiniers qui... croient pouvoir m'enseigner ce que ce sont ces réactions, quand elles sont lieu !
On me dit qu'elles n'auraient lieu qu'à haute température...
On me dit que les brunissements des aliments sont dus à des réactions de Maillard...
Pour réfuter la première affirmation, il suffit de savoir que les réactions de Maillard sont à l'origine de l'opacification du cristallin des diabétiques, le glucose étant abondant en compagnie de protéines, et le tout à seulement 37 degrés. Comme ces réactions ont lieu à des températures plus basses que celles de la cuisine, elles sont donc plus lentes... heureusement.
Mais c'est surtout au brunissement que je veux me consacrer ici.
En cuisine, il y a des brunissements de toutes sortes.
Certes, dans certains cas très particuliers, quand se trouvent réunis des sucres réducteurs, tels le glucose, et des acides aminés, des réactions de Maillard peuvent avoir lieu si l'on chauffe.
Toutefois il y a bien d'autres occasions culinaires où des brunissements apparaissent. Par exemple, quand on coupe une pomme : des enzymes de la pommes viennent modifier des composés phénoliques également présents dans le fruit (mais séparés, dans d'autres compartiments que les enzymes), et former, à l'issue d'une chaîne de réactions, des composés bruns. Le fruit brunit, mais là, pas de réaction de Maillard.
Il y a aussi des cas tels que la caramélisation, où, cette fois, il ne s'agit pas de réactions de Maillard, puisqu'il n'y pas de réaction entre sucres réducteurs et acides aminés.
C'est une autre réaction, qui , d’ailleurs, conduit à la formation d'une masse très particulière, qui est celle du caramel.
La caramélisation n'a rien à voir avec une réaction de Maillard. Lors de la caramélisation, il y a apparition d'une couleur brune, mais cette couleur résulte de réactions différentes de celles qui font la masse du caramel.
Quelles réactions ? Des réaction de « pyrolyse ». Oui, mot « pyrolyse » est un peu tautologique, puisqu'il s'agit de dire qu'il y a décomposition à la chaleur. On n'est guère plus avancé... mais c'est un fait que, en cuisine, les pyrolyses ont partout, bien plus abondantes que les réactions de Maillard. D'ailleurs, avec les composés organiques, lesquels ont des molécules formées essentiellement d'atomes de carbone, hydrogène, oxygène, il y a presque toujours un jaunissement ou un brunissement quand on chauffe.
Ce changement de couleur est le premier pas vers le noircissement auquel les pryolyses conduisent immanquablement... sauf à former de l'eau, du dioxyde de carbone.
A ce propos, cela vaut la peine de reprendre cette expérience classique de l'encre sympathique, cette encore qui est invisible quand on l'emploie et qui apparaît quand on chauffe la feuille de papier. On a parfois dit que le jus de citron aurait cette propriété, mais j'ai fait l'expérience... et j'ai vérifié, qu'une fois de plus les on-dit méritent d'être vérifiés. D'abord, quand on écrit avec du jus de citron sur du papier bien blanc, l'écriture n'est pas du tout invisible : elle apparaît. Certes, quand on chauffe, le jaune devient brun, mais on observe les mêmes effets avec du vinaigre cristal, par exemple.
L'acidité serait-elle en cause ? Non puisque l'usage de sirop montre un brunissement aussi. Plus généralement, l'ensemble des solution aqueuses de composés organiques conduit à un tel brunissement.
Rendons donc hommage à Maillard, mais ne généralisons pas abusivement, et, si nous voulions rester simples, nous serions bien avisés d'admettre que les pyrolyses sont responsables de la plupart des brunissements en cuisine.
Dans la mer des brunissements, il y a des réaction de Maillard, des brunissements enzymatiques, mais ce sont des îles dans l'océan des pyrolyses.
Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)
La cuisson du poisson
Mon
goût quasi immodéré pour le poisson aurait dû depuis longtemps me
faire aborder ce sujet. Pourtant, je ne sais pas vraiment pourquoi,
je tourne toujours autour de la question des œufs, des légumes et
des viandes, comme prototype d'explication de la cuisson.
Du
point de vue de la pédagogie, de l'explication, il est bon de situer
l'étendue des variations entre le blanc d'oeuf et la viande. Le
blanc d'oeuf, c'est le système le plus simple, puisqu'il est composé
de 90 pour cent d'eau, de 10 pour cent de protéines, avec une
structure réduite au minimum. A l'opposé, la viande la plus dure
est faite de fibres, à l'intérieur desquelles se trouve une matière
analogue au blanc d'oeuf (pour l'explication, tout du moins), fibres
dont l'enveloppe est un tissu collagénique, et qui sont réunies en
faisceaux par du tissu collagénique. Autrement dit, dans la viande,
il y a deux composantes : du blanc d'oeuf et du tissu
collagénique.
Le
poisson est intermédiaire, car c'est du tissu musculaire, comme la
viande, mais la quantité de tissu collagénique est faible.
Autrement dit, il y a une structure qui s'apparente à du blanc
d'oeuf fibreux, ou, plus exactement, du blanc d'oeuf intégré dans
des fibres. Lors de la cuisson du poisson, il y a donc la coagulation
de l'intérieur des fibres, et la séparation de ces dernières,
séparation facile puisque le tissu collagénique est en faible
quantité. En conséquence, la cuisson durcira le poisson, plutôt
qu'elle ne l'attendrira dans le cas des viandes dures. Le
durcissement sera dû à la coagulation de l'intérieur des fbires,
et l'on comprend qu'on n'aura guère intérêt à beaucoup prolonger
la cuisson... à cela près que les voies artistiques sont
impénétrables.
Contrairement
aux viandes, la chair du poisson n'est pas bien rouge, mais il
demeure vrai que la chair peut perdre sa transparence par le même
type de mécanismes que dans la viande. La cuisson basse température
pour le poisson ? Si l'on entend par « cuisson basse
température » une cuisson à basse température de longue
durée, généralement appliquée aux viandes en vue de dissoudre le
collagène, ce procédé n'a guère d'intérêt. En revanche, si l'on
entend la maîtrise de la température de cuisson appliquée à
l'ensemble de la pièce en vue de commander une consistance
particulière, alors les mêmes remarques que pour l'oeuf
s'appliquent, et c'est ainsi que l'on envisagera des cuissons à 6X
degrés, abréviation qui signifie 61, 62, 63, 64, etc.
J'ai
donc eu tort de négliger la cuisson du poisson, car, comme pour les
œufs, une grande variété de résultats est accessible. Comme quoi
il n'est pas bon de confondre communication et contenu. j''ai souvent
utilisé l'oeuf comme support de communication, afin d'expliquer les
transformations moléculaires qui survenaient lors du chauffage d'un
mélange d'eau et de protéines, mais le contenu, c' est autre
chose : il s'agit d'obtenir des résultats particuliers. Mea
culpa,
cet exemple me montre que je dois maintenant examiner plus en détail
de nombreux sujets que j'ai négligés par le passé, et y mettre un
peu d'intelligence, afin de partager avec mes amis des contenus qui
en valent la peine.
Libellés :
collagène,
cuisson,
gastronomie moléculaire,
poisson,
protéines
mercredi 4 juin 2014
dimanche 1 juin 2014
Des changements
Cours
de Gastronomie moléculaire
Année
2014
Vous aimez cuisiner ?
Vous aimez donc la chimie !
La
cuisine opère des modifications moléculaires : autant les
maîtriser, n'est-ce pas ?
Lieu :
AgroParisTech,
16 rue Claude Bernard, 75005 Paris (amphithéâtre Risler)
Dates :
2 et 3
juin 2014
Déroulé :
Lundi 2
juin 2014 :
Horaires
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Scientifique
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Thème traité
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9.00
|
Hervé This
Physico-chimiste INRA/AgroParisTech
|
Les aliments sont faits de
molécules de divers types, ce que l'on nomme des composés.
Pourquoi ce monde des composé est merveilleux. Pourquoi le monde
moléculaire est sublime. Et pourquoi les tables de composition
sont insuffisantes : les relations sont essentielles, pour
les structures et les transformations !
|
9.30
|
''
|
Il y a deux types d'environnement
dans les aliments que l'on cuit : l'intérieur (température
limitée à 100 °C par la présence d'eau) et l'extérieur (qui
peut atteindre des températures considérables)
|
''
|
Les catégories de composés ;
transformations des protéines (coagulation, hydrolyses...), des
saccharides. Pourquoi cette jungle peut être jardinée.
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10.45
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Pause
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11.00-12.30
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Jean Louis Sébédio,
directeur de recherche INRA, Centre de Theix
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Les
transformations des lipides au cours des traitements culinaires ;
le cas de la friture
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12.30-14.00
|
Déjeuner libre
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14.00
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Juan Valverde,
directeur R&D Monoghan Mushrooms
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Des questions de couleur :
chlorophylles et caroténoïdes
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16.30
|
Véronique Cheynier,
directeur de recherche INRA, Centre de Montpellier
|
Les modifications des polyphénols
: encore des questions de couleur
|
Mardi :
9.00
|
Luc Eveleigh,
Maitre de conférences AgroParisTech
|
Les transformations des lipides :
la protection par des anti-oxydants
|
10.45
|
Pause
|
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11.00
|
Barbara Rega,
Maître de conférences AgroParisTech,
Coordinatrice du Master international Food Innovation and Product
Design (FIPDes)
|
Les arômes en cuisine :
liaisons dangereuses entre réactivité des composés odorants, et
interactions avec les matrices
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14.00
|
Valérie Camel, Professeur AgroParisTech
|
Les composés néoformés
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15.30
|
Gilles Gandemer,
DR INRA, directeur du Centre INRA de Lille
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Les modifications chimiques qui
surviennent lors de la cuisson des viandes
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16.45
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Conclusions, débats
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17.45
|
Christine Cherbut,
directrice
Gilles Trystram, directeur général AgroParisTech
|
Annonce du Centre international de
gastronomie moléculaire AgroParisTech-INRA
|
Libellés :
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